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Fédération internationale des journalistes
Journalisme, liberté civile et guerre contre le terorisme
lundi 6 juin 2005
Parution de l’excellent rapport de la FIJ. A lire sans attendre !
Télécharger le rapport ci-contre.
Voir aussi la présentation sur le site de la FIJ
A propos du rapport de la Fédération internationale des journalistes sur les conséquences de la lutte contre le terrorisme, nous commencerons par deux critiques.
1) Il implique dans son introduction une causalité douteuse. C’est le « terrorisme » sous-entendu islamique qui aurait entraîné des dérives autoritaristes incontrôlées dans les pays occidentaux. Il suffira de rappeler l’invasion de l’Irak et les assassinats de journalistes par l’armée américaine, qui ont indubitablement entraîné le chaos actuel et l’explosion d’un terrorisme islamique meurtrier dans ce pays, pour se convaincre que cet « ordre des responsabilités » est bien trop superficiellement établi. Ne serait-ce pas plutôt les dérives autoritaires (ou impérialistes) de nos démocraties « à l’extérieur » qui auraient entraîné les réaction terroristes, elles-mêmes causes d’une « internalisation » de l’autoritarisme ? Et encore, c’est oublier les enjeux de politique strictement intérieure liés à ce nouveau contrôle social : le retour à un capitalisme sauvage et la volonté de bâillonner les luttes. L’amalgame largement utilisé terroristes/gauchistes/syndicalistes qui va jusqu’à inclure des organisations pourtant fort modérées comme Attac, en est un indicateur.
2) La question de la concentration des médias est complètement absente du rapport. Il semble pourtant clair que cette concentration est une des causes essentielles du manque d’approche critique des médias sur des sujets « stratégiques » (le rapport étudie le cas du traitement de la guerre d’Irak aux USA, nous pourrions évoquer celui du récent référendum en France...).
Ces critiques faites, nous ne pourrons ensuite que saluer la qualité du travail réalisé et son intelligence. Contrairement à une organisation comme Reporters sans frontières qui sort la question de la liberté de la presse de son contexte social (par volonté de préserver les multinationales qui les financent), la FIJ souligne l’importance de prendre en compte le système global, et que la liberté de la presse ne peut être isolé de la liberté tout court.
La FIJ souligne ainsi la transformation de médias dits libres en relais de propagande sans recul critique. Dans le cadre de la guerre contre le terrorisme, cela se traduit par une remise directe de la liberté de la presse : Patriot Act aux USA, affrontement Gouvernement/BBC au Royaume-Uni, saisie d’Indymédia Nantes illégale par le FBI... Et des notions comme « terrorisme politique », « terrorisme écologiste », « cyberterrorisme » apparaissent liées à une définition globale du terrorisme, qui confond également mouvements de résistance contre l’occupation, mouvements de lutte populaire, et même lutte contre la mondialisation dans les pays occidentaux, et organisations terroristes. Alors même que le terrorisme d’Etat, de loin la forme de terrorisme la plus développée, est au mieux dissimulée au pire niée.
Les conséquences pour le travail d’information sont énormes : remise en cause de la liberté de circulation des journalistes (aux USA en particulier), attaques contre la confidentialité des sources (comme en France), menaces contre les journalistes approchant une des nombreuses organisations considérées comme « terroristes »...
Le rapport souligne le développement inquiétant de méthodes sortant du cadre du contrôle démocratique et de la légalité dans la prétendue lutte contre le terrorisme : enlèvements par les services secrets dans des pays tiers, détention sans charges et sans jugement, centres de tortures gérés directement par des pays occidentaux ou « sous-traités » à des pays tiers, prétexte du terrorisme pour lutter contre des opposants intérieurs avec le soutien de la communauté internationale... De véritables goulags mondiaux se mettent en place en dehors de toutes règles démocratique et sous le contrôle des pays occidentaux.
Parallèlement, se développe une logique de contrôle social systématisée, qui a connu une accélération foudroyante depuis les attentats de 2001. Fichage, surveillance systématuqe des télécommunications et d’Internet, collecte généralisée de paramètres biométriques (empreintes digitales, etc.). Nous évoluons vers une société où ce n’est plus l’Etat qui devra rendre des comptes aux citoyens, mais les citoyens à l’Etat. Où c’est l’innocent qui devra prouver son innocence grâce aux données disponibles sur lui et non à la justice de prouver sa culpabilité.
Le rapport aborde également la stratégie de « blanchiment politique ». Elle consiste à externaliser l’adoption de mesures impopulaires sur des organisations internationales opaques, travaillant dans le secret, en-dehors de tout contrôle démocratique. Et la décision une fois adoptée est présentée nationalement comme incontournable, avec éventuellement quelques aménagements mineurs...
Le rapport s’intéresse enfin à l’hystérie antimusulmans des médias, dans lesquels l’intégrisme musulmans est grossi tandis que sont minimisées les agressions dont ils sont victimes, de mêmes que disparaissent aussi bien les réalités positives des sociétés arabes que leur complexité et les débats qui les agitent. En France, cette hystérie a été particulièrement flagrante dans l’ensemble des médias à plusieurs occasions, lors de prétendues agressions qui se sont révélées être fausses (RER D, bagagiste de Roissy, agressions antisémites...). La FIJ dénonce cela comme le masque contemporain d’un racisme en pleine expansion.