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SIPM-CNT
Une Europe antidémocratique
mardi 26 avril 2005
La démocratie représentative est loin d’être parfaite (élus incontrôlable, castes de politiciens coupés de la réalité des travailleurs...). L’Europe qui se construit est encore bien en deçà.
Sommaire général (télécharger le dossier en pdf) :
Traité constitutionnel européen : la grande arnaque du capital
Sommaire de l’article :
1) Un pouvoir législatif de droit divin
2) Une démocratie sans choix démocratique
3) Un empire militarisé
4) L’Union dans le monde... du commerce
Le TCE, que ce soit dans son élaboration ou son contenu, s’avère un véritable déni des principes démocratiques.
Dans son élaboration, parce qu’une Constitution est censée émaner d’un peuple. Celle-ci, au contraire, est le fruit du travail de quelques politiciens soumis aux intérêts des patrons, sans que ledit peuple soit ne serait-ce que consulté.
Dans son contenu, sur le plan du fonctionnement institutionnel et sur le plan des objectifs.
UN POUVOIR LEGISLATIF DE DROIT DIVIN
Si les institutions de l’Union définies par le TCE concèdent un peu plus de pouvoir au Parlement que dans les traités antérieurs, ce pouvoir n’a en fait aucune réalité. En effet, le Parlement ne légifère toujours pas, seule la Commission, non élue, est habilitée à le faire (art. I-34). Le Parlement a juste le droit d’émettre des propositions et des amendements, dont la Commission a le droit de ne pas tenir compte (art. III-396). De plus, dans certains domaines le Parlement n’est même pas consulté : politique étrangère, commerce extérieur, politique budgétaire, entre autres.
Quant au fameux principe de démocratie participative (art. I-10-2-d, I 47-4 et III-334...), qui introduit un droit de pétition pour les résidents de l’Union, il relève purement et simplement du grand-guignol : la pétition doit être signée par au moins un million de ressortissants de l’Union, en vue de soumettre une proposition à la Commission, qu’elle n’est pas tenue de prendre en compte. Et, cerise sur le gâteau, cette pétition ne peut de toute façon concerner que l’application de la Constitution, et non son contenu (art. I-47-4).
UNE DEMOCRATIE SANS CHOIX DEMOCRATIQUE
Concernant ses objectifs, la Constitution sort largement de son rôle (le fonctionnement des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire) et définit des politiques économiques. Et tel est bien le danger principal de ce traité : constitutionnaliser et poser comme juridiquement inviolables des principes économiques, élaborés par et pour le capital. En effet, pour s’assurer que ce bel outil pourra générer du profit pendant de longues et tranquilles décennies, les rédacteurs du TCE ont :
– posé ces principes comme primant sur les droits nationaux (art. I-6) ;
– bloqué par avance tout tentative de changement : toute modification du TCE nécessite l’unanimité des Etats membres (art. IV-443). Et une unanimité à 25 (pour l’instant), ça risque d’être dur à obtenir.
Alors, quand les partisans du oui prétendent que le cadre constitutionnel, même s’il n’est pas parfait, est une base qui pourra être modifiée...
De fait, le pouvoir économique est coupé du pouvoir politique, et domine ce dernier. L’indépendance de la Banque centrale européenne et des banques nationales en est un élément essentiel, avec l’unique objectif assigné de lutte contre l’inflation (art. I-30-2 et III-177). L’économie n’est plus au service de projets politiques, mais devient le carcan d’un pouvoir politique castré. Même la très imparfaite démocratie représentative s’éloigne à grands pas.
Non seulement la Constitution impose le développement des capacités militaires de l’Union (art. I-41-3), mais elle la fait dépendre directement de l’Otan et donc des Etats-Unis (art. I-41-7). Ici encore, dans un monde dominé par un empire américain belliciste, un choix fondamentalement antidémocratique qui place l’Union en position de féale des USA.
L’Union dans le monde... du commerce
Les accords internationaux relatifs au commerce relèvent de la politique commerciale commune (art. I-13-e et III-315-1). Ils sont donc négociés et ratifiés au niveau européen. En clair, la France ne peut décider pour ce qui la concerne d’adhérer ou non à un accord dans le cadre de l’organisation mondiale du commerce (OMC). Et dans le TCE, l’orientation générale de la politique commerciale commune est claire (III-314) : « suppression [...] des restrictions aux échanges internationaux ».
C’est le Conseil européen qui prend la décision finale de ratifier un traité (chefs d’Etat des pays membres et président de la Commission). Mais il le fait sur recommandation de la Commission, et c’est elle, l’organe le moins démocratique de l’Union, qui négocie les accords (art. III-315-3) ! Le Parlement européen, quant à lui, est seulement consulté en ce qui concerne les accords commerciaux (il ne peut s’y opposer) (III-325-6-b).
Le Conseil européen prend ses décisions à la majorité qualifiée (III-325-8) : 13 pays sur 25 représentant au moins 60% de la population. Certains cas relèvent cependant de l’unanimité :
– services culturels et audiovisuels (uniquement s’il y a menace pour la diversité culturelle, III-315-3-b) ;
– services sociaux, d’éducation et de santé... pour ces derniers, uniquement si les accords sont susceptibles de « perturber gravement l’organisation de ces services au niveau national » (III-315-4-b). « Gravement » autorise bien entendu une interprétation à géométrie variable... où est la frontière entre une « perturbation grave » et une « perturbation pas trop grave », et comment estimer à l’avance le degré de perturbation qu’entraînera l’accord ?