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Sécu : comment est-ce qu’on fabrique un "déficit" ?
mercredi 3 octobre 2007
La Sécu est financée essentiellement par les cotisations sociales et c’est normal qu’elle le soit. Mais elle souffre, dit-on, d’un "déficit chronique". D’où vient ce "déficit" ? Comment est-il organisé ? Plusieurs origines sont en cause.
1- D’abord d’un gel des cotisations patronales. En 20 ans, la cotisation "assurance-maladie" des employeurs est passée de 12,8 % à 13,1% (voir fiches de paie). Or, en bloquant les cotisations qui financent la Sécu, gouvernements et patronat ont délibérément fabriqué le "déficit" de la Sécu.
2- Des exonérations massives de cotisations sur les bas salaires. Depuis 20 ans, chaque année, le gouvernement organise une évasion légale de cotisations. Les exonérations sont passées de 3 milliards en 1993 à 22 milliards en 2005, 23 milliards en 2006, combien en 2007, 2008 ?? Sur l’ensemble des ces exonérations, 2 à 3 milliards ne parviennent plus aux caisses d’assurance maladie. Coût prévisionnel de l’exonération totale de cotisations sociales sur les heures supplémentaires (programme de Sarkozy) : 5 milliards d’euros.
3- Des stock-options totalement exonérées de cotisations sociales. Dans le dernier rapport de la Cour des comptes publié le 12 septembre 2007, son président Philippe Séguin a donné l’exemple de l’exonération de la plus-value d’acquisition des stock-options : "Les exonérations de cotisations sociales des stock-options ont fait perdre 3 milliards d’euros de recettes à la Sécurité sociale".
4- Des mécanismes d’intéressement (stock-options, épargne salariale, actionnariat d’entreprise, primes diverses...) tous exonérés de cotisations. Le dernier rapport de la Cour des comptes précise, par exemple, que les indemnités de départ à la retraite ou de licenciement, les chèques-vacances, les indemnités de transport, etc... tous "ces dispositifs, souvent exonérés de cotisations sociales, ont représenté une perte de recettes pour le régime général de la Sécu (salariés) comprise entre 6 et 8,3 milliards d’euros en 2005, pour un déficit qui s’élevait cette année-là à 11,6 milliards d’euros".
5- Les dettes de l’Etat. Les 23 milliards d’exonérations de cotisations sur les bas salaires ne sont pas totalement compensées par les dotations budgétaires. Là aussi, dans le dernier rapport de la Cour des comptes, l’Etat est mis à l’index "pour les dettes, supérieures à 10 milliards d’euros, qu’il a cumulées à l’égard de la Sécu en ne compensant pas systématiquement les exonérations de charges" dixit Ph. Seguin.
6- Une politique de bas salaires. 3 400 000 travailleurs pauvres (temps partiel imposé, contrats précaires...) gagnent moins que le SMIC. Qui dit bas salaires, dit faibles cotisations et donc médiocres contributions au financement des régimes sociaux. Ex : 1% de masse salariale en moins représente 1,1 milliard d’euros de perte pour la Sécu.
7- Un chômage de masse. Depuis 25 ans, le taux de chômage se maintient à un niveau élevé (9 % en juin 2006). La Sécu, faut-il le rappeler, est financée par les cotisations sociales assises sur les salaires. Donc la Sécu, c’est du salaire. Et plus il y a d’emplois, plus il y a de salaires, plus la masse salariale grandit et plus l’assiette des cotisations est importante, et donc plus il y a d’argent à la Sécu. Déficits et recettes sont étroitement liés à l’activité, à l’emploi et à la masse salariale. Ex : 100 000 chômeurs en moins, c’est 400 millions d’euros de recettes en plus pour la Sécurité sociale. Une simple baisse du chômage de 4 points, à condition que les salaires soient payés dans leur intégralité, c’est-à-dire cotisations incluses, suffirait à résorber tous les "déficits" de la Sécu.
8- La fraude massive des entreprises. Il faut rappeler que la Cour des comptes a estimé, début 2007, que la fraude des entreprises en matière de cotisations sociales se situait dans une fourchette allant de 9,7 à 13,4 milliards d’euros, soit plus que le "déficit" de l’assurance maladie.
9- Les placements financiers ne sont soumis à aucune cotisation sociale. C’est ici que l’on retrouve, en partie, les cotisations non versées aux caisses de Sécurité sociale). Ainsi, si on appliquait aux 80 milliards d’euros de placements financiers le même taux que les cotisations patronales à l’Assurance maladie, il rentrerait 10 milliards d’euros ; soit plus que le déficit actuel !
Comment peut-on faire croire aux français qu’on va vers une pénurie de ressources alors que la France n’a jamais été aussi riche de son histoire... Du pognon, il y en a ! Il faut reprendre aux riches ce qu’ils ont piqué aux pauvres et à l’ensemble des travailleurs...