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Matraquage à tous les étages : la répression et la division, derniers remparts du capitalisme en crise
jeudi 16 mars 2017
« Gouverner, c’est mettre vos sujets hors d’état de vous nuire et même d’y penser, ce qui s’obtient soit en leur ôtant les moyens de le faire, soit en leur donnant un tel bien-être qu’ils ne souhaitent pas un autre sort »
- Machiavel, Le Prince
S’il est bien une chose de sûre dans nos sociétés contemporaines, c’est que la classe dirigeante, qu’elle soit économique ou politique, qu’elle soit aux commandes ou qu’elle y aspire, a bien intégré les recommandations de Machiavel. Car alors que depuis des décennies la crise économique, sociale et écologique, s’est emparée du monde, et que le « don de bien‑être » passe chaque jour à la moulinette de l’austérité, c’est bien d’une « mise hors d’état de nuire des sujets » qu’il s’agit.
Pour cela, les armes sont malheureusement connues et bien rodées. D’abord, diviser pour mieux régner. Créer des ennemis intérieurs comme extérieurs. Qu’ils soient Roms « voleurs de poules », migrants « qui mangent notre pain et prennent notre travail », musulmans « qui se radicalisent », chômeurs « assistés et fainéants », jeunes « délinquants ou casseurs de manifestation », ouvriers « terroristes séquestrant leurs patrons », fonctionnaires « trop coûteux et privilégiés » ou grévistes « prenant le peuple en otage », il faut montrer du doigt les nouveaux barbares. Et face à ces barbares, il faut unir la « Nation », protéger la « République ». Et pour ce faire, rien de plus simple : rétablir l’autorité de l’État et renforcer son bras armé, policier et militaire. Et il faut matraquer surtout : physiquement en premier lieu, mais aussi juridiquement et idéologiquement.
Matraquer pour faire mal et pour faire peur, d’abord. La police est notamment là pour ça. Il n’y a pas de bavures, il y a un maintien de l’ordre qui s’adapte à la situation. Et quand l’ordre libéral et étatique est contesté, alors la police améliore son armement et tape plus fort, quitte à violer, à blesser gravement, voire à tuer. Puis justifie, bien entendu sa violence en la présentant comme seule légitime et comme nécessaire pour défendre la « démocratie » et la prétendue « paix sociale ».
Matraquer pour faire comprendre qui est le maître ensuite, et pour imposer sa loi. La justice à deux vitesses s’ébranle qui sait prendre son temps pour les millions détournés des Fillon, Dassault, Balkany, Le Pen et autres Cahuzac, et jette en prison ceux qui ont le malheur d’avoir volé de quoi manger, briser un Abribus, retenu quelques heures son DRH, ou simplement être « mal né », dans le mauvais quartier, avec la mauvaise couleur de peau et une famille pas assez riche...
Mais ça ne suffit pas, il faut aussi matraquer idéologiquement, car il faut que la population ne s’offusque pas trop de ce déchaînement de violence et n’aille pas s’imaginer quel en est le but véritable. Le discours politique prend alors le relais qui crée ces ennemis intérieurs : immigrés pas très chrétiens, manifestants violents, grévistes agressifs, migrants terroristes, etc. Et comme ça ne suffit toujours pas, s’y ajoute ensuite l’image d’un monde en guerre, car les barbares ne sont pas que « chez nous », ici en France, ils sont « partout ». Cette fois, l’État bombarde, l’armée entre en scène et défend « nos » frontières, « nos » intérêts, contre l’étranger qui veut notre perte...
Matraquage social enfin, car là est bien le but final. Précariser, flexibiliser, sérialiser, individualiser, détruire tous les droits et cadres sociaux conquis de haute lutte. Chacun doit devenir une petite entreprise gérant son capital et le faisant fructifier par ses efforts, son mérite, son travail... Matraquer l’ordre libéral comme seul horizon possible, appeler au sacrifice de soi et du collectif pour éviter la faillite. Matraquer que l’homme est un loup pour l’homme, matraquer la concurrence naturelle et nécessaire, matraquer que l’esprit de compétition est notre seule issue. Et tant pis pour les perdants, ils n’auront droit qu’à la matraque, physique cette fois jusqu’à la plus dure et la plus brute des violences.
On ne peut que concéder une qualité à nos dirigeants : ils savent gérer l’art du matraquage pour défendre leur richesse et leur pouvoir. Ils savent détourner les regards de leurs responsabilités vers des ennemis imaginaires. Ils savent manipuler les peurs et l’angoisse pour se poser en « sauveurs » et « protecteurs ». Ils savent blesser, humilier et réprimer surtout ceux qui ne rentrent pas dans leur ordre. Ils savent en fait nous diviser quand notre unité pourrait être notre force, et donc leur faiblesse.
Ce nous, cette unité, c’est notre classe. Celle des prolétaires, ceux qui n’ont que leur force de travail pour vivre, ceux qui galèrent pour trouver un emploi ou un logement, ceux qui vivent dans des quartiers périphériques ou des campagnes délaissées, ceux pour qui l’accès aux services publics, à la culture ou à la santé est une bataille quotidienne, ceux qui s’entassent dans des bus Macron ou des trains et RER surchargés quand d’autres se pavanent en voiture avec chauffeurs, ceux qui s’entassent dans des appartements trop petits quand d’autres s’étalent dans leurs châteaux de Saint-Cloud, leur paquebot de Nanterre ou leur manoir de la Sarthe... Bref, ceux qui créent toutes les richesses mais qui n’en profitent que rarement et surtout ne décident de rien. Ceux qui sont du mauvais côté de la matraque, du Flash-Ball ou de la grenade. Ceux à qui on demande de temps en temps de voter pour ceux qui nous matraqueront ensuite...
Victimes des violences policières, patronales, racistes et sociales, nous sommes tous de cette même classe. Notre ennemi n’est pas tel peuple, telle religion ou telle communauté, notre souci n’est pas que nos dirigeants soient « nationaux » ou « européens », le chômage et l’insécurité ne sont pas dus aux immigrés ou aux pauvres. Nos ennemis ce ne sont pas plus les Arabes, les Noirs, les juifs ou les mulsumans ou supposés tels, qui « refuseraient de s’intégrer » et ne voudraient pas reconnaître les « bienfaits de la colonisation », que les « Juifs des médias et de la finance », selon les termes d’un vieil antisémitisme d’extrême droite qui reste malheureusement d’actualité. Non, nos ennemis ne se définissent pas par leur origine ou leur confession, mais par le rôle social qu’ils jouent au quotidien : ce sont ceux qui nous dirigent politiquement et économiquement et qui nous mènent droit dans le mur en cherchant coûte que coûte à préserver un système capitaliste et politique qui ne sert que leurs intérêts. Nos ennemis sont des ennemis de classe. Il ne tient qu’à nous de ne plus être seulement des victimes, mais de devenir des acteurs, conscients de notre force. La solidarité est notre arme. Contre ceux qui cherchent à nous diviser et à nous criminaliser pour asseoir leur pouvoir, il nous faut nous unir, nous organiser, nous entraider, entre égaux.
Tout commence, l’avenir est entre nos mains. Dès aujourd’hui, exigeons dans l’unité et la dignité : la justice pour toutes les victimes et leurs familles ; la libération et l’amnistie de tous les militants condamnés pendant le mouvement contre la loi travail ou leur lutte syndicale (Goodyear) ou sociale (NDDL, Bure, etc.) ; le désarmement de la police et la révocation des policiers auteurs de violences ou de propos discriminatoires (racistes, sexistes, homophobes) ; le remplacement de l’IGPN par une organisation indépendante avec des membres de la société civile ; la liberté de manifester et la fin de l’état d’urgence.
Ceci ne sera qu’une étape. Un premier pas vers la reconstruction de notre solidarité et unité de classe, vers la remise en cause de l’exploitation économique et sociale, de la domination et la répression étatique, et des discours et actes racistes.