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SIPM
Les pigistes à L’Humanité
Section L’Huma
jeudi 10 juillet 2003
Un tract diffusé à l’occasion du concert de soutien à Fara C, une pigiste "oubliée" par L’Huma, le 11 novembre 2001.
Le statut de pigiste est l’une des manifestations du développement de la précarité dans le secteur de la presse et dans la société d’une manière plus générale. Payés au feuillet ou à la page, c’est-à-dire plus concrètement à la longueur des articles qu’ils écrivent, ils sont entièrement soumis à l’intérêt des patrons. En effet, ces derniers ne font appel à eux que lorsqu’ils ont besoin soit de remplir des pages, soit d’un spécialiste sur une question particulière.
Conséquence : dans des situations d’actualité surchargée, comme aujourd’hui, plus de place pour eux et donc plus d’argent. Une sorte d’Intérim appliquée à la presse. On comprend alors la logique patronale cachée derrière tout cela : l’utilisation de pigistes permet d’éviter l’embauche de travailleurs en CDI, donc moins de salaires fixes et une possibilité d’éviter la compression de personnel tout simplement en faisant écrire moins les pigistes.
Autre bénéfice pour les patrons, le contrôle social. En effet, les pigistes sont précaires donc peu enclins à risquer leur travail en se syndiquant ou en participant à des actions ou réunions revendicatives du personnel : il est si simple de diminuer la sollicitation d’un pigiste syndicalement gênant et donc à terme de le faire partir puisqu’il ne gagne plus assez d’argent pour vivre... Dans le même ordre d’idée, notons que rares sont les pigistes qui se trouvent en permanence sur leur journal. Conséquence : un éparpillement qui ne facilite pas la rencontre, le partage des problèmes et donc la mobilisation et l’organisation. Difficulté identique d’ailleurs pour les organisations syndicales qui peinent à informer ces travailleurs sur les évolutions économiques et sociales du journal. Bref, le statut de pigiste est par essence même une rame du patronat contre le syndicalisme.
Ajoutons d’ailleurs que la même logique existe concernant la définition de la ligne éditoriale des journaux. En effet, les pigistes ne sont que très rarement associés aux réunions des différents service et jamais à celle de la rédaction. Il n’existe même pas de réunion régulière pour les informer de l’évolution de cette orientation. Les pigistes sont donc le plus souvent considérés comme des bouche-trous, qui n’ont pas leur mot à dire sur le contenu du journal.
Pour finir, faisons un petit point d’illustration pratique par l’exemple de la situation dans notre journal. La section CNT de l’Humanité a rédigé un texte sur la question des pigistes dans notre quotidien, faisant un bilan plus que sombre à ce sujet et portant des revendications syndicales qui semblent tellement évidentes et qui pourtant surprennent nos employeurs :
– La mise à niveau IMMÉDIATE de la rémunération au feuillet sur la grille de la convention collective. Le tarif conventionnel du feuillet est de 364,68 francs et non de 220 francs (brut) comme c’est le cas aujourd’hui à l’Huma. Le manque à gagner pour ces travailleurs précaires est trop important pour que la direction ne revoie pas en urgence cette pratique ;
– Un détail des piges réglées accompagnant les feuilles de paie, ce qui évitera certains « saucissonnages » désagréables et sujets à caution ;
– Nous réclamons, selon l’article L.761-9 du Code du travail, « tout travail commandé ou accepté par une entreprise de journal ou périodique et non publié doit être payé » donc, que les chefs de rubrique transmettent au secrétariat général le détail exact des feuillets effectués (PUBLIÉS OU NON).
L’annonce faite par la direction d’un carnet de commande pour les pigistes ne semble pas fonctionner dans tous les services et les pigistes ne reçoivent toujours pas le détail de leur fiche de paye qui leur permettrait de vérifier que rien n’a été oublié : tous ne peuvent se rendre au bureau du personnel pour le demander !
– Droit pour tous les pigistes de l’Humanité à des congés payés, équivalents selon la Convention collective des journalistes (article 31) au 10e des sommes perçues entre le 31 mai et le 1er juin de l’année en cours.
– Afin que les pigistes (tous les pigistes, quelle que soit leur qualification) puissent suivre l’évolution rédactionnelle de l’Humanité, ils souhaitent être conviés (au moins une fois par mois) à une réunion de rédaction, pour information et discussion ;
– Concernant l’arrêt de la collaboration entre le journal et un pigiste, nous demandons la mise en place d’indemnités de licenciement légales et d’un document attestant de la fin du contrat de travail, comme de normal pour une procédure classique de licenciement économique. Nous demandons également une compensation financière lorsque certains pigistes réguliers restent des semaines sans avoir une seule commande ;
– Enfin, que les retards (illégaux !) de paiement des salaires cessent.
Volet spécifique aux dessinateurs
– Les dessinateurs se sentent déconsidérés au sein de la rédaction. Le travail de dessinateur est trop souvent envisagé comme une activité « ludique » alors qu’il s’agit d’un travail, d’une activité journalistique à part entière et donc d’un moyen de subsistance. Les dessinateurs veulent être traités comme les autres salariés.
– Les dessinateurs constatent la disparition de la page « Cactus » et du « Dessin du jour », sans avoir d’informations sur le caractère provisoire ou définitif de cet arrêt. La disparition de ces espaces implique pour certains une raréfaction importante de leurs dessins publiés : doit-on considérer cela comme un « licenciement économique » ?
Voilà un aperçu de la situation des pigistes dans une presse qui se dit communiste. Une situation que l’on retrouve dans beaucoup d’entreprises parce qu’elle est inhérente au statut même des pigistes et à l’intérêt qu’ils ont pour les patrons.
Voilà pourquoi nous soutenons Fara C et à travers elle l’ensemble des pigistes, dans sa lutte pour la reconnaissance de son travail et de son droit être traitée dignement comme tout journaliste, qu’il soit en CDD, en CDI ou pigiste.