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SIPM-CNT
Les directives scélérates
mardi 26 avril 2005
Temps de travail, services (Bolkestein), la constitution ne vient pas seule. Ces directives sont antérieures, mais le TCE leur offre un cadre juridique.
Sommaire général (télécharger le dossier en pdf) :
Traité constitutionnel européen : la grande arnaque du capital
Sommaire de l’article :
1) La directive sur les services
2) La directive sur le temps de travail
3) Règlement relatif aux services publics de transports de voyageurs par fer et route
Les directives sont présentées comme indépendantes du TCE. Elles sont en fait des applications concrètes des principes contenus dans la Constitution. Elles permettent de jeter sur elle un éclairage crû : comment prétendre encore qu’il s’agit d’un traité « social » ? Le TCE, en effet, en posant comme objectif la libéralisation des services (affirmée à 11 reprises !), donne un cadre juridique à la directive Bolkestein. Plus globalement, en affirmant comme supérieur à tout autre le principe de la libre concurrence, la Constitution pose le cadre idéologique inamovible (toute modification requiert un consensus de tous les pays !) où ces directives prennent place. La France a d’ailleurs obtenu que leur examen soit reporté à... après le référendum français ! Et ceux qui y ont proclamé leur opposition dernièrement, de l’UMP et du PS, sont les mêmes qui en avaient validé le principe il y a un an.
LA DIRECTIVE SUR LES SERVICES (DITE « DIRECTIVE BOLKESTEIN » [1])
(13 janvier 2004, adoptée par la Commission, pas encore adoptée par le Parlement)
La Directive sur les services découle du principe inscrit dans la Constitution européenne de liberté de circulation des services (art. III-130). Elle vise à aligner la circulation des services (y compris les services publics) sur celle des marchandises. Elle s’appuie sur deux piliers :
– le principe de suppression de tous les obstacles à l’établissement d’une entreprise dans un Etat membre ;
– le principe d’origine : un prestataire de services est exclusivement soumis à la loi du pays d’établissement où se trouve le siège social), et non celle du pays où sont fournis les services.
Les effets directs seront un véritable dumping social qui accélérera encore l’alignement par le bas des conditions de travail et des salaires, l’érosion des droits des travailleurs et des droits syndicaux, et l’accélération de la liquidation des services publics. En effet, ce sont les droits sociaux du pays d’origine qui s’appliqueront. Légalement, le salaire minimum du pays d’accueil s’applique toujours. Mais en pratique, tous les instruments de contrôle à la disposition de l’inspection du travail auront disparu. De plus, ce sera au pays d’origine (par exemple la Lituanie) de contrôler le respect de la légalité par une entreprise exerçant dans un autre pays (par exemple la France)... Il s’agit donc, en pratique, d’une autorisation tacite donnée aux entreprises de services de fonctionner en toute illégalité.
Un travailleur français ou un Lituanien détaché temporairement ou recruté en France par une entreprise de services qui a délocalisé son siège en Lituanie :
– aura théoriquement un salaire minimum français ;
– aura en pratique les cotisations sociales de Lituanie, donc inférieures (sécu, chômage, retraite...) ;
– aura un niveau de formation correspondant aux normes du pays d’origine (ce qui, dans le cas d’un service public, interdit la mise en place de normes par le pays d’accueil, puisque en respect des règles de libre concurrence il ne peut choisir son prestataire de services) ;
– tout cela sera contrôlé par le pays d’origine ! Donc ne sera pas contrôlé, la Lituanie ne va certainement pas détacher des inspecteurs du travail dans tous les pays européens !
DIRECTIVE SUR L’AMENAGEMENT DU TEMPS DE TRAVAIL
(22 septembre 2004, adoptée par la Commission, pas encore adoptée au Parlement).
– Le maximum hebdomadaire passe de 48 heures à... 65 heures. La Constitution n’est pas encore adoptée que déjà les merveilles promises se pressent à la porte...
– Elle maintient le principe d’opt-out, pourtant remis en question par tous les syndicats, critiqué par le Parlement européen, ayant donné lieu à des abus reconnus par la Commission elle-même. L’opt-out est la possibilité de déroger à la durée légale du temps de travail (48 heures jusque-là). L’opt-out individuel est maintenu pour les PME (il faut l’accord du salarié, mais on imagine la liberté de choix pour le salarié...) et l’opt-out collectif (négocié conventionnellement) est généralisé.
– La période de référence pour le calcul de la durée maximale du travail est allongée, passant de 4 mois à un an (flexibilité encore accrue au service du patronat et au détriment de la vie privée des salariés).
– Est exclu du temps de travail le temps durant lequel le travailleur est contraint de rester dans l’entreprise mais qui n’est pas effectivement travaillé (une nouvelle notion est née : le « temps de garde », séparé en "temps de garde actif" et temps de garde inactif - il faut être à disposition, mais non payé !).
REGLEMENT EUROPEEN RELATIF AUX SERVICES PUBLICS DE TRANSPORTS DE VOYAGEURS PAR CHEMIN DE FER ET PAR ROUTE
(projet officiellement en attente de traduction).
Ce projet a été concocté par Jacques Barrot, commissaire européen aux transports. Il se place lui aussi dans la droite ligne du cadre fixé par le TCE. Le calendrier pour examiner ce projet avait été prévu pour ne pas “parasiter” le référendum. Mais le contenu a filtré, grâce au journal L’Humanité comme pour la directive Bolkestein.
En substance, ce règlement vise à la privatisation et la mise en concurrence des transports locaux et régionaux (bus, métro, tramway, TER...). Un règlement, et non une directive, ce qui signifie que ses dispositions ne doivent pas être traduites dans la loi nationale et sont immédiatement applicables dans tous les pays européens...
Est-il encore nécessaire de rappeler la situation des pionniers en la matière ? Les trains régionaux britanniques qui grillent les feux rouges, arrivent systématiquement en retard et multiplient les accidents, le métro londonien (privatisé malgré l’opposition massive des Londoniens) dans un état de délabrement tel que les ouvriers ont ordre de ne pas réparer certaines installations vétustes de peur de provoquer des pannes générales...
Le site “Cette fois c’est non” propose une pétition contre ce règlement (qu’ils appellent par erreur “directive”).
[1] La directive Bolkestein fait partie des « directives Dracula », car elles ne doivent pas apparaître au grand jour. En effet, l’horreur que suscite leur contenu compromet leur adoption si elles sont rendues publiques. De fait, en France, les médias (excepté Politis et L’Humanité qui en fit sa une en juin 2004) l’ont complètement ignorée jusqu’en février... 2005 ! Les politiciens UMP et PS, les mêmes qui avaient donné leur accord lors de sa sortie, s’en servent maintenant comme repoussoir dans le cadre de la campagne pour le oui à la Constitution.