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Meeting CNT union régionale Île-de-France
Le droit du travail, histoire et enjeux
lundi 10 octobre 2005
Photos et une des interventions du meeting de la CNT le 8 octobre au CICP.
Le droit du travail, histoire et enjeux.
Le droit du travail est inséparable des luttes ouvrières et de la création des organisations syndicales ouvrières, on va donc aussi évoquer les moments historiques clés à leur propos.
On va évoquer rapidement l’Ancien régime. Puis on va voir la période dans laquelle nous sommes toujours, divisée en trois grandes étapes historiques : de la Révolution française jusqu’à 1848 : le triomphe du libéralisme économique ; de 1848 à 1982 : les conquêtes ; de 1982 à 2005 : la régression.
Pour le terme de « classe ouvrière », il englobe ici l’ensemble des travailleurs, quelle que soit la nature du bien produit (matériel, immatériel ou service). « Classe ouvrière » par opposition à « classe possédante », qui possède les moyens de production et récolte l’essentiel de la plus-value.
I- L’ANCIEN REGIME
L’Ancien régime était un système extrêmement codifié, un système de castes, et l’industrialisation n’existait pas. L’entreprise avait donc taille humaine, et la distance entre les patrons et les ouvriers n’était pas forcément insurmontable. L’exploitation existait, mais les différences étaient bien plus fondamentales entre les castes, la noblesse, le clergé et le Tiers-Etat, qu’à l’intérieur de ces castes.
Cependant, très tôt, au cours du XVe siècle, les ouvriers ont développé le compagnonnage. Il s’agissait alors de créer un contre-pouvoir à la bourgeoisie émergeante, qui contrôlait les puissantes Corporations.
Le compagnonnage est une logique strictement corporatiste et qui ne remet pas en cause l’ordre social établi. Mais c’est une première forme de syndicalisme, intéressante à plusieurs titres. Les compagnons imposent aux patrons des tarifs, ils mènent des luttes parfois très radicales, ils inscrivent dans l’ordre sociale les droits des travailleurs, et ils ont un système d’intégration-formation dans le métier géré directement par eux-mêmes.
II- LA REVOLUTION FRANÇAISE, LE LIBERALISME ABSOLU
La Révolution française balaye tout ça. C’est une révolution bourgeoise contre l’ordre de l’Ancien régime. Un ordre figé, très codifié comme on l’a vu, qui empêche la bourgeoisie de développer le système économique capitaliste. L’idéologie économique de la bourgeoisie a été développée au cours du XVIIIe siècle, autour des idées d’Adam Smith, qui prône le libéralisme économique.
La révolution va vite : dès 1791, la loi Le Chapelier interdit la grève et les coalitions ouvrières. Cette loi ne sera abrogée qu’en 1884, presque un siècle plus tard. Patrons et ouvriers sont des citoyens égaux, ils concluent ensemble un contrat librement. Mais en interdisant des regroupement de classe, la logique libérale « oublie » que le droit à la propriété, le fait que certains détiennent les moyens de production et que d’autres n’ont que leur force de travail, crée de fait des classes sociales.
Le citoyennisme, l’affirmation des citoyens tous égaux, ne peut être qu’une tromperie dans le cadre du capitalisme, qui sert en fait à asseoir le pouvoir des classes possédantes en refusant aux classes exploitées les moyens de s’organiser pour résister, comme c’était le cas sous l’Ancien régime. D’ailleurs, la loi Le Chapelier sera appliqué scrupuleusement pour les travailleurs, mais pas pour les patrons. L’idée de mettre en place un droit du travail est combattu par l’ensemble des élites au début du XIXe siècle : déjà à cette époque, parce que cela désavantagerait les entreprises françaises par rapport à la concurrence étrangère !
Avec l’arrivée de l’industrialisation et le développement de grandes fabriques, la situation du prolétariat devient proprement effroyable. Sous le règne de Louis-Philippe, dans les années 1830-1840, plusieurs bouquins sont écrits qui décrivent le sort des ouvriers, et qui indignent les bourgeois progressistes. Il faut bien comprendre qu’il n’y avait alors aucun droit collectif pour les travailleurs, c’est-à-dire aucune limite à l’exploitation. Les enfants travaillent dès le plus jeune âge, dès qu’ils tenaient debout. Les travailleurs ne gagnent ni de quoi s’habiller ni de quoi se nourrir, le salaire sert juste à ne pas mourir, ils vont en haillon avec un quignon de pain pour 15 heures, 16 heures, 17 heures de travail par jour, jusqu’à la mort.
En 1841, il y a une première loi pour le droit des travailleurs : l’âge minimum d’embauche est désormais de 8 ans.
C’est une première rupture symbolique avec le dogme capitaliste libéral. Symbolique parce que, en l’absence de rapport de force, elle ne sera jamais appliquée.
III- DE 1848 A 1882, LE PROGRES DU DROIT
1848 A 1921, L’ERE DES PIONNIERS
La vraie rupture, c’est 1848, la révolution de février. La monarchie est renversée, la république est instaurée. Les ouvriers sont les artisans du renversement de Louis-Philippe. Des lois rompent avec le libéralisme :
– abolition de l’esclavage ;
– création des Ateliers nationaux : droit au travail pour les chômeurs ;
– journée de travail limitée à 10 heures à Paris et 11 heures en province ;
– bureaux de placement gratuits, etc.
En juin, les ouvriers s’insurgent contre la bourgeoisie qui confisquent la république, ils sont massacrés. Les acquis de février sont supprimés, les chômeurs envoyés de force dans l’armée de conquête de l’Algérie.
Ces événements marquent la naissance de la conscience de classe. Les travailleurs ne se reconnaissent plus, comme c’était le cas jusqu’alors, dans le camp républicain contre le camp monarchiste, mais avec les classes laborieuses contre les classes possédantes. C’est déterminant, parce que la création d’organisations ouvrières seront désormais l’objectif, et que ce sont ces organisations de classe, ces syndicats, qui permettront d’acquérir tous les droits ultérieurs.
Nous n’allons pas détailler ensuite les étapes des droits conquis. Quelques dates, seulement.
– 1862, les premières rencontres ouvrières internationales, qui déboucheront en 1864 à la création de l’Association internationale des travailleurs, la Première Internationale.
– 1868 : même tolérance pour les chambres syndicales ouvrières que pour les chambres patronales.
– 1869 : première ébauche de confédération syndicale.
– Et puis la Commune en 1871 et pour la première fois une révolution sociale. La répression, 30000 Parisiens massacrés et toutes les conquêtes antérieures sont supprimées. Comme dit Adolphe Thiers, qui fait massacrer des ouvriers depuis 1830, « L’ordre et la civilsation l’ont emporté, le sol jonché de leurs cadavres est un spectacle qui leur servira de leçon ! »
Mais la pression est énorme, et dès 1876 les syndicats se reforment dans la clandestinité, d’abord réprimés férocement, puis tolérés.
– 1884 : 500 syndicats regroupent 60000 adhérents : incapable d’enrayer le développement de l’organisation ouvrière, le gouvernement supprime finalement la loi Le Chapelier, qui aura pendant presque un siècle été l’instrument d’asservissement total des travailleurs.
– 1886 : création des bourses du travail, qui réunissent les syndicats locaux.
– 1888 : la grève générale est adoptée comme principe révolutionnaire. Cela remet en cause la tutelle des partis politiques, et donne à la classe ouvrière elle-même, regroupée dans ses syndicats, le rôle révolutionnaire.
Les années suivantes voient la création de l’inspection du travail, les premières conventions collectives, la première limitation de la journée de travail : 10 heures pour les enfants, 11 heures pour les femmes et 12 heures pour les hommes, la loi sur les accidents du travail, dont l’adoption est repoussée depuis 16 ans. La pression des classes laborieuses s’accroît sans cesse au fur et à mesure qu’elles s’organisent, malgré la répression toujours aussi sanglante, et oblige la bourgeoisie à toujours de nouvelles concessions.
En 1895, la CGT est fondée. Mais c’est en 1902, lorsqu’elle fusionne avec les bourses du travail, que le syndicalisme révolutionnaire naît réellement, grâce aux acquis antérieurs. Le principe est formalisé en 1906 avec la charte d’Amiens : l’organisation repose sur deux piliers, les fédérations d’industrie au niveau national et les bourses du travail au niveau local. Une camarade reviendra sur les grands principes de fonctionnement syndicalistes révolutionnaires, qui sont ceux de la CNT aujourd’hui. Répression et concessions se poursuivent après 1906 : 8 heures de travail pour les mineurs, protection des femmes, congé maternité, avancées de la médecine du travail... et surtout 1 jour de repos hebdomadaire et la création du Code du travail en 1910.
Juste après guerre, les grèves se multiplient et les progrès se poursuivent jusqu’en 1920 : on passe en particulier à la journée de 8 heures sur 6 jours, donc 48 heures par semaine, sans diminutions de salaire.
1921 A 1936 : LA DIVISION
On va pas rentrer dans le détail : après 1921, la CGT scissionne, et tombe sous la coupe d’organisations politique : c’est le début de l’ère du syndicat « courroie de transmission » du parti. Commence alors une période de régression des acquis : baisse des salaires, licenciements, chômage... La classe ouvrière est divisée, affaiblie.
1936-1982 : LES GRANDES CONQUETES
1) 1936
Le rapport de forces s’inverse avant 1936. La classe ouvrière se mobilise depuis plusieurs années : le fascisme s’est imposé en Italie, le nazisme en Allemagne, en France les ligues d’extrême-droite occupent la rue. Le Parti communiste, qui s’était enfermé dans le sectarisme, ne peut plus tenir la CGTU : la base fraternise avec celle de la CGT dans d’immenses cortèges de travailleurs. L’unité devient un mot d’ordre qui galvanise les travailleurs. Elle est réalisée début 36.
La victoire du Front populaire en 1936 sert de catalyseur. Les grèves s’étendent, les directions syndicales et politiques sont dépassées et appellent à la reprise. Le 8 juin, c’est la débâcle : le patronat est paniqué et signe les accords de Matignon. Mais la grève et les occupations se poursuivent et s’amplifient encore, malgré les consignes de reprise. Il faudra le vote en urgence des lois sur les congés payés, les 40 heures, les conventions collectives, et la mobilisation du parti communiste implanté dans de nombreuses entreprises pour faire cesser les occupations. Les acquis sont cependant énormes, à la mesure de la frayeur du gouvernement et du patronat :
– généralisation des conventions collectives qui améliorent le Code du travail ;
– semaine de 40 heures ;
– création des délégués du personnel ;
– deux semaines de congés payés.
Le caractère collectif des droits des salariés est désormais enraciné. Le contrat de travail repose sur des droits collectifs. Par ailleurs, les salariés représentent un contre-pouvoir légal au sein même de l’entreprise, remettant en cause profondément le dogme libéral, qui donne tout le pouvoir au propriétaire.
2) 1946
Dix ans après 1936, nouveau rapport de force en faveur des travailleurs, alors que la patronat est complètement compromis par sa collaboration massive avec les nazis. La Sécurité sociale est mise en place. Elle a pour ambition de couvrir tous les risques, d’assurer un salaire à tous les travailleurs inactifs. Cela grâce à un système basé sur la solidarité : les cotisations patronales et salariales, qui sont en fait toutes deux une part du salaire, une part socialisée, servent à assurer un salaire aux inactifs.
Les luttes des années 50 permettent ensuite d’engranger des droits importants. Des luttes qui se développent malgré la politique antigrève du PC lorsqu’il est au gouvernement, qui a désormais et pour longtemps la haute main sur la CGT : « La grève, c’est l’arme des trusts. » Création des comités d’entreprise, 3e semaine de congés payés, ANPE, Smig, la caisse chômage est également créée en 1958.
3) 1968
Troisième victoire historique qui permet d’engranger plusieurs autres acquis : 4e semaine de congés payés, hausses de salaires... Mais c’est surtout la création des délégués syndicaux qui est fondamentale. Maintenant, le syndicat représente un contre-pouvoir légal et protégé au sein même de l’entreprise. C’est un pas de plus en avant, qui limite le pouvoir du patron et augmente celui des travailleurs.
IV- 1982 : LA RUPTURE
Les lois Auroux. La rupture se fait paradoxalement avec l’arrivée du Parti socialiste et du Parti communiste au pouvoir. Les lois Auroux marquent de nouvelles avancées : la 5e semaine de congés payés, les 39 heures hebdomadaires... Mais elles contiennent un cadeau empoisonné : la première entorse au principe de faveur, socle du droit du travail. Le principe de faveur, c’est quoi ? C’est la base du droit collectif contre l’individualisation du contrat : on a un socle commun, le Code du travail, qui s’applique à tous. Après, on a des conventions collectives, qui ne peuvent qu’améliorer ce socle commun. Enfin, on a les accords d’entreprises, qui elles-mêmes ne peuvent qu’améliorer le Code du travail et les conventions collectives. Les lois Auroux introduisent une dérogation à ce principe de faveur : les conventions collectives peuvent déroger au Code du travail sur la durée et l’aménagement du temps de travail.
Cela aboutit en 2004 avec la loi sur le dialogue social, passée quasiment inaperçue : désormais, l’accord d’entreprise, c’est-à-dire le niveau le plus défavorable pour beaucoup de salariés, là où ils sont le plus faible, peut déroger à la convention collective et au Code du travail, dans tous les domaines sauf pour les salaires, les classifications et les cotisations sociales.
1) La protection sociale
L’offensive commence en 1984 : un système de charité publique est mis en place à côté du système d’indemnisation des chômeurs basé sur la répartition solidaire, sur les cotisations sociales. C’est l’ASS, puis le RMI en 1988. Les « minimas sociaux ». La logique arrivera à son terme en 2003 avec la mise en place du RMA : le RMIste doit accepter de travailler dans les pires conditions, sans cotisations sociales, donc sans ouverture de droits excepté pour la santé. Parallèlement, l’indemnité chômage n’est plus un droit mais dépend d’un contrat individuel, tandis que des centaines de milliers de chômeurs sont exclus de l’indemnisation depuis 2002.
Les exonérations massives de cotisations patronales sont passées de 1,8 milliard d’euros en 1991 à 21,5 en 2004. Des exonérations qui doivent être rapprochées des baisses des cotisations patronales, et du déficit des caisses qui justifient les fameux « plans de sauvetage ».
Pour les retraites, en 1991, Rocard préconise l’allongement de la durée de travail à 40 ans. Balladur réalise les vœux du socialiste en 1993. En 1995, Juppé veut généraliser au secteur public. Après un échec en 1995 face à la mobilisation des travailleurs, c’est Fillon en 2003 qui y parvient.
Pour la santé, le Plan hôpital 2007, passé en 2003, représente un formidable outil de démembrement de l’hôpital public : d’une part le secteur privé est favorisé, d’autre part le secteur public est poussé soit à fonctionner selon des impératifs de rentabilité, soit à se dégrader faute de moyens.
2) Les droits dans l’entreprise
Mais revenons aux droits des travailleurs dans les entreprises. Avec le démantèlement du principe de faveur et le multiplication des contrats précaires qui individualisent, atomisent, et excluent, il y a eu trois offensives capitales :
- La loi Madelin de 1994, qui favorise le travail indépendant au détriment du salariat. Ce n’est pas l’offensive la plus grave, mais c’est la plus emblématique : il s’agit bien, pour ces partisans de la modernité, de revenir à une logique d’avant le salariat, c’est-à-dire d’avant les garanties collectives des travailleurs : la logique des économistes libéraux du XIXe siècle : le contrat individuel entre employé et employeur et l’absence de protection collectives. C’est le sens de la formule : qu’on soit chacun notre propre patron.
- La loi sur les 35 heures de 1997 : Les lois Aubry sur la réduction du temps de travail ont en fait surtout été une occasion formidable pour introduire massivement la flexibilité et l’annualisation du temps de travail. Le forfait-jour pour les cadres permet de les faire travailler jusqu’à 13 heures par jour et 65 heures par semaine : drôle de réduction du temps de travail ! Dans de nombreuses industries, les salariés doivent maintenant se rendre disponibles du jour au lendemain si le patron a besoin d’eux, ce qui leur interdit de prévoir leurs loisirs. Par ailleurs, la productivité a été fortement augmentée, plaçant la France loin devant les Etats-Unis et dans les premiers rangs mondiaux : les pauses ont été comprises dans le temps de travail, etc, ce qui a permis de compenser la baisse du temps de travail. La loi PME de 2005 a permis d’étendre le forfait jour à la plupart des salariés, ceux dont " la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée ou qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées ". Parallèlement, l’élargissement du quota d’heures supplémentaires permet de supprimer le seul aspect positif de la Loi Aubry : les 35 heures.
- Les ordonnances Villepin sont certainement l’attaque la plus grave sur les droits des travailleurs dans l’entreprise. Je ne vais pas m’étendre là-dessus, une abondante documentation existe sur nos sites Internet, et vous avez ici un quatre pages de la CNT Île-de-France qui en décrit le contenu. Rien que le contrat nouvelle embauche est extraordinaire : il parvient, simplement en allongeant la durée de la période d’essai à deux ans, à supprimer de fait tous les droits ! La période d’essai étant une période où le patron peut licencier le salarié sans motif avant qu’il soit réellement engagé, cette période exceptionnelle devient définitive, puisque les patrons ont évidemment tout intérêt à changer de salarié tous les deux ans ! Femme enceinte, syndicaliste, salarié refusant les heures sup non rémunérées, le patron peut virer pour n’importe quelle raison puisqu’il n’a pas à se justifier !
En fait, c’est le Code du travail lui-même qui est devenu un outil au service de la destruction des droits. Il instaure d’innombrables contrats plus précaires et dérogatoires les unes que les autres, et il contredit ainsi les droits collectifs des travailleurs. Les salariés sont individualisés, exclus de l’entreprise par la précarité. Leur protection disparaît, le Code du travail se transforme selon une logique purement économique, au service du patron, au contraire d’une logique sociale, au service des travailleurs et les protégeant.
EN CONCLUSION
On assiste indéniablement à une régression sans précédant. L’offensive idéologique se situe très clairement dans le cadre de l’idéologie libérale qui a prévalu jusqu’en 1936, et qui était absolue jusqu’à la fin du XIXe siècle. La protection sociale répond de plus en plus à une logique gestionnaire, qui n’a rien à voir avec son objectif initial : elle a été créée pour éradiquer l’exclusion et assurer à tous un salaire, aujourd’hui le seul critère est l’équilibre du système, et ses gestionnaires se réjouissent quand de nouveaux travailleurs sont exclus, car ça limite les dépenses ! Quand au droit des travailleurs dans l’entreprise, on a vu qu’ils étaient systématiquement remis en cause, dans le cadre du Code du travail.
Parallèlement, les grands syndicats s’institutionnalisent de plus en plus, rentrent eux-mêmes de plus en plus dans une logique gestionnaire. Ils s’inscrivent dans une logique uniquement partenariale, prétendant s’appuyer sur les acquis passés pour négocier. Ils oublient un détail énorme : les acquis passés n’ont été obtenus que grâce aux luttes passées ! Aujourd’hui, quand un précaire a un souci dans une boîte et qu’il va voir le délégué syndical, au mieux ce dernier lui donne des conseils pour aller aux prud’hommes. Le précaire gagne peut-être, mais de toute façon il est viré ! Presque jamais il n’y a la tentative de dire : Bon, on va essayer de mettre en place un rapport de force, on va essayer d’obtenir ce qu’on demande, par exemple que le précaire soit embauché, en mobilisant le personnel, en faisant jouer la solidarité. Après, si ça marche pas, ou même simultanément, on peut toujours essayer aussi le terrain juridique.
Alors qu’est-ce qu’il va rester de ce syndicalisme quand il n’y aura plus rien à aller chercher aux prud’hommes, avec un Code du travail vidé de toute substance ? Qu’est-ce qu’il va rester de ce syndicalisme quand l’énorme majorité des salariés sera de fait précaire, ce qui est déjà bien avancé, de ce syndicalisme qui ignore généralement les précaires (CDD, intérimaires, salariés des sous-traitants souvent surexploités, CNE aujourd’hui, stagiaires, CES, RMAstes, CDD d’usage, pigistes, rouleurs, intermittents, apprentis...) ?
Ces questions expliquent en fait peut-être le développement de la CNT ces dernières années. Et le développement plus largement des pratiques syndicalistes révolutionnaires dans les luttes.