Accueil > Publications > Tracts > Journalistes, auxiliaires de justice ?
SIPM
Journalistes, auxiliaires de justice ?
jeudi 3 juillet 2003
Vous aimez qu’on fouille dans vos carnets ? Vous allez adorer le projet Perben !
Les journalistes,
auxiliaires de justice ? !
Vous aimez les commissariats de police, qu'on fouille dans vos carnets et qu'on vous somme de donner vos sources ? En clair, vous aimerez ne plus pouvoir travailler, voir vos interlocuteurs refuser désormais de vous parler de peur de voir leur nom apparaître dans quelque dossier d'enquête : en clair, vous aimerez devenir tout bonnement auxiliaire de justice ?
Alors vous allez adorer le projet de loi Perben sur la grande criminalité en ce moment en discussion au Parlement.
Dans ses articles 28 et 49, ce petit bijou législatif stipule qu' "un juge d'instruction, un procureur de la République ou un officier de police judiciaire peut requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration qui sont susceptibles de détenir des documents de les lui remettre sans que puisse lui être opposée l'obligation au secret professionnel ". Et de préciser qu'en cas de refus, les récalcitrants s'exposent à une amende de 3 750 euros.
Protection des sources? du balai!
Même si les journalistes ne bénéficiaient pas, à la différence des médecins ou des avocats, du secret professionnel, ils pouvaient garder, d'après le code de procédure pénal, le secret de l'identité de leurs informateurs lorsqu'ils étaient entendus comme témoins. Désormais, enquêteurs et flics pourront directement se renseigner à la source, c'est-à-dire auprès de ceux qui en ont et qui aimeraient bien les garder.
Pourtant, en 1996, la Cour européenne des droits de l'Homme consacrait la protection des sources comme l'une des pierres angulaires de la liberté de la presse ". Qu'importe : ces deux dernières années, dans de nombreux pays et notamment en France, des journalistes se sont retrouvés en ligne de mire, placés sous écoute, sommés de dévoiler leurs sources et de fournir à une justice faisant sienne le culte du résultat et de la rentabilité des informations qu'elle pourrait obtenir par d'autres moyens.
Pan sur la "liberté de la presse"
Cette attaque vise tout particulièrement les journalistes indépendants. Car, autre fait scandaleux, si le siège d'un média se doit d'être perquisitionné par un magistrat, il n'en est pas de même pour le domicile d'un journaliste. Et dans un même temps, le législateur fait tout pour empêcher le citoyen n'appréciant guère de voir Big Brother mettre le nez dans la vie privée de tout un chacun d'utiliser la cryptographie.
Et, au-delà, cette réforme, noyée dans un projet de loi scandaleux, vise à affadir l'information, à l'aseptiser en la privant de cette matière première que sont les documents et sources dont on se sert au quotidien. Désormais, avec Perben, nous aurons le plaisir d'avoir à présenter au moindre OPJ nos carnets d'adresse, nos carnets de note, nos enregistrements et les dossiers que l'on veut bien nous transmettre. A l'heure où éclatent les scandales politico-financiers, on a là affaire non pas simplement à un déni de droit mais bel et bien à une véritable manœuvre politique.
Cela fait longtemps qu'une carte de presse, pour un policier, n'a pas plus de valeur qu'un titre provisoire de séjour. Désormais, au moindre contrôle, aurons-nous aussi à présenter nos sources ?
L'INFORMATION N'EST PAS
UNE MARCHANDISE.
ET LES JOURNALISTES PAS DES BALANCES.
Syndicat Interprofessionnel de la Presse et des Médias CNT