Un syndicalisme autogestionnaire et sans permanent

Accueil > International > Europe > Interview d’un collectif de chômeurs napolitain

SIPM-CNT

Interview d’un collectif de chômeurs napolitain

dimanche 5 septembre 2004

Cette interview du collectif napolitain Coordination de lutte pour le travail a été réalisée en août 2004 par des militants de la CNT à Naples.

Banderole du collectif

Depuis quand êtes-vous organisés en comité de chômeurs ?

La lutte contre le chômage se poursuit sans cesse depuis 1977, presque trente ans. De très nombreux collectifs ont émergés, qui ont connu diverses phases d’unification. Notre mouvement, Coordination pour les droits sociaux, s’est créé en 1997 pour répondre aux besoins des chômeurs au niveau local. Nous travaillons dans le cadre du réseau No global, du mouvement contre la guerre - nous soutenons la résistance du peuple irakien -, du mouvement global pour le salaire garanti, pour le droit au logement, pour le droit au travail, contre les privatisations, contre le système impérialiste et capitaliste. Nous avons une plate-forme plus large que la seule question du chômage. Notre site Internet est http://www.disoccupati.org. Pendant la lutte, nous avons subi la répression, avec de 15 à 17 procès et, pour certains de nos camarades, jusqu’à 7 mois d’assignation à résidence. Quand tu demandes un travail, quand tu participes à un mouvement contre le chômage, l’Etat t’accuse de faire partie d’une association subversive. C’est une criminalisation du mouvement. Le droit au travail fait pourtant partie de la Constitution.

Le local du collectif

Comment vous situez-vous dans le paysage social italien ?

Nous faisons partie de la mouvance de la « gauche antagoniste » [Mouvement autonome italien : l’autonomie italienne a regroupé des centaines de milliers de militants (travailleurs, chômeurs) en rupture avec les organisations d’extrême gauche et les syndicats institutionnels et a participé à un mouvement d’auto-organisation sans hiérarchie ni parti. Le mouvement autonome est organisé en collectifs pour l’action directe dans les entreprises, pour la réquisition des logements, pour les "autoréductions" - réappropriation collective des moyens de consommation dans les années 70. Aujourd’hui, restent de ce vaste mouvement les syndicats de base appelés Cobas et les centres sociaux, lieus occupés et autogérés servant de foyer d’activités sociales, culturelles et politiques. Ndlr]
Nous n’avons rien à voir avec les pseudos collectifs de chômeurs « Force de travail disponible » qui sont liés à des partis d’extrême-droite comme Allianze nationale ou Forza nueva. Ils copient nos revendications, instrumentalisent les chômeurs, leurs paient des formation professionnelle.
Nous avons organisé une manifestation à Naples, qui a groupé 5000 chômeurs début 2004. En septembre, nous organiserons d’autres actions. A la fin du mois, débuteront les cours de formation professionnelle pour chômeurs, financées par des fonds de la région et du gouvernement, dispensés par la région. Ces formations ont été obtenues grâce à la lutte des chômeurs.

Affichette "seule la lutte paie"

Quelles sont vos revendications ?

Nous revendiquons bien sûr le droit à un travail pour tous, c’est-à-dire la possibilité de vivre pour tous. Nous revendiquons également le droit à un salaire garanti entre deux périodes d’activité.
Mais nous défendons aussi les postes de travail qui existent, en luttant contre les licenciements. Si des postes de travail existant disparaissent, cela fera plus de chômage.
Nous nous battons pour la réduction du temps de travail sans perte de salaire, afin de travailler moins et tous.

Nos revendications ne touchent pas seulement à la question du travail. Nous demandons :
 la liberté de circulation pour tous et toutes.
 le droit aux études, car aujourd’hui seuls ceux qui ont de l’argent ont la possiblité d’acquérir des diplômes.
 le droit au développement intellectuel pour tous.
 le droit au logement.
Et nous luttons contre la privatisation de l’école et de la santé.

Par ailleurs, nous dénonçons le fonctionnement des confédérations syndicales majoritaires, coupables de collusion avec le patronat. Elles s’occupent plus des patrons que des travailleurs.

Panneau

Tu parlais de salaire garanti. Il y a souvent une confusion, en France, entre salaire garanti et revenu garanti, appelé revenu garanti universel, défendu par des partisans de Toni Negri. Qu’en pensez-vous ?

Idéalement, nous voulons être inséré dans le processus de production, avec un contrat stable, sans précarité. Notre première revendication, c’est naturellement celle d’un travail qui nous permette de vivre. Pour les chômeurs, c’est donc bien un salaire garanti que nous demandons, le maintien du salaire, afin de pouvoir vivre pendant les périodes de chômage. Nous ne demandons pas un revenu garanti universel déconnecté du travail et qui nous permettrait de ne pas travailler. On ne va pas demander à la société de nous payer pendant que les autres travaillent.
Il y a plus de 450000 chômeurs en Campanie (région de Naples). Dans le modèle européen existent divers types de revenus pour les chômeurs : des salaires sous forme d’indemnité de chômage, des revenus garantis, comme le RMI. Ici, il n’y a rien, les chômeurs ne touchent aucune allocation.

Quels sont vos liens avec les syndicats de base ?

Nous travaillons avec eux dans le cadre du réseau No global, nous avons manifesté à Milan le premier Mai 2004, tous ensemble, pour le droit au travail et un salaire garanti. Sur cette question, il y a eu beaucoup de luttes des centres sociaux et des Tutte Bianche [mouvement de chômeurs, comparable à AC, ndlr] à Rome. Il y a eu différentes propositions de loi portées par certains partis de gauche, DS [démocratie de gauche, ex-parti communiste italien aujourd’hui centre-gauche], les Verts et Refondation communiste [parti communiste actuel, qui intègre les trotskystes et une partie du mouvement autonome, ndlr].

Partie de la façade.