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Communiqué de prêche
France Télévisions ou le service public battu en prêche !
jeudi 14 avril 2005
URGENT ! (VATICAN) Le pape est mort...
URGENT ! (PARIS) Le service public aussi
URGENT ! (VIGNOLES) Mais pas notre conception du métier
URGENT ! (VIGNOLES) Et encore moins le syndicalisme
Le SIPM-CNT (Syndicat interprofessionnel de la presse et des médias) a la douleur de vous annoncer le décès du service public sur France Télévisions, après une lente agonie diffusée en boucle. Aucune plaque ni couronne demandées.
Plus sérieusement, le SIPM-CNT dénonce le déferlement d’eaux bénites et la papolâtrie dans les médias orchestrés autour de la mort de Jean-Paul II. Une overdose médiatique choquante qui interroge sur la réelle vocation de France Télévisions : France 2 et France 3 sont-elles encore des chaînes publiques ? Et n’est-il pas révoltant, en cette année de commémoration de la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat (1905) reléguant la religion au domaine strictement privé, de constater la ferveur toute catholique des JT du service public ? Pssshit ! disparue derrière la fumée de l’encens la laïcité...
Rappel des faits. Le 2 avril 2005, à 21 h 37 précises. La Terre s’arrête de tourner : le pape Jean-Paul II est mort ! Dès lors, les grenouilles de bénitier des JT s’activent...
Que sur TF1, la mère supérieure Claire Chazal, tout illuminée de ferveur religieuse, chante les louanges de « l’infatigable voyageur, le réconciliateur des religions, l’apôtre de la liberté face au communisme » (n’en jetez plus !) ne nous étonne guère ! Qu’en revanche, les chaînes publiques de France Télévisions se prêtent à cette béatification cathodique... Aaargh ! Ainsi sœur Béatrice Schönberg, sur France 2, parle-t-elle pieusement du pape comme du « Saint-Père » à plusieurs reprises, dimanche 3 avril dans le 13 heures. Et dans son JT de 20 heures, la dévote consacre près d’une heure à une seule information : la mort du souverain pontife. Ne se passe-t-il rien d’autre ce jour-là en France ni dans le monde ? Non, circulez y’a rien à voir ! La pieuse Catherine Matausch, officiant sur France 3, reprend en chœur les cantiques entonnés sur Télé-Vatican (France 2). Tandis que, grands moments de journalisme professionnel, nous assistons aux apparitions quasi mystiques des envoyés spéciaux du Saint-Esprit, les préposés à l’encensoir Maurice Olivari et Gérard Grizbec...
Le zèle avec lequel les journaux télévisés ont joué les prolongations pour traiter de la mort du pape amène de nombreux téléspectateurs, aujourd’hui encore, à se demander finalement si en payant dévotement leur redevance, ils ne versent pas en même temps le denier du culte !
Le SIPM-CNT, quant à lui, retiendra des vingt-six années de pontificat de Jean-Paul II ses amitiés particulières, notamment avec des mouvements parmi les plus réactionnaires de l’Eglise (l’Opus Dei et les très réactifs Légionnaires du Christ) ainsi que sa morale intransigeante sur les questions liées à la sexualité et à la procréation. En clair, tout ce qui n’est pas « naturel » était rejeté par ce pape : procréation assistée, usage du préservatif, homosexualité, etc. Autant d’informations qui mériteraient des reportages ou des interviews plus nuancés sur le pontificat de Jean-Paul II !
Cette hagiographie télévisuelle de « l’athlète de Dieu » (un lien avec les JO de 2012 ?) est d’autant plus scandaleuse que, s’agissant du Sida, « Jean-Paul II restera dans l’histoire comme l’un des premiers complices de la pandémie et la médiatisation de sa mort a mis en difficulté le Sidaction 2005 » (communiqué de presse d’Act Up Paris, le 4 avril 2005). Un hommage, certes, disproportionné au regard des 10 000 mort(e)s quotidien(ne)s du Sida !
Le SIPM-CNT condamne ainsi les comportements honteux de quelques journalistes qui, soucieux de plaire à un Gouvernement se distinguant régulièrement par sa bigoterie, se sont chargés de prêcher la bonne parole aux téléspectateurs transformés illico en catholiques pratiquants ! Notre syndicat constate que cette overdose de bondieuseries a contribué à creuser encore plus le fossé entre un journalisme de salon aux ordres et des millions de téléspectateurs à la recherche tout simplement d’une information mêlant respect du pluralisme et analyse critique. Mais, quelques jours après être redescendus sur le plancher des vaches, les JT ont poursuivi leur information ciblée et élitiste avec la médiatisation outrancière de la mort du prince Rainier III de Monaco ou encore le mariage de Charles, prince de Galles. Autant d’insultes et de mépris à l’égard des citoyens !
Pendant ce temps-là, une poignée de multinationales contrôlent l’information et la culture (Dassault, Lagardère, les fonds de pension Carlyle et Cinven). Les mouvements sociaux sont traités avec mépris (grèves de La Poste, des lycéens...). Les journalistes, y compris dans le service public, se retrouvent condamnés à la précarité (voir les conflits dans tous les secteurs de la presse).
Le SIPM-CNT dénonce donc la faillite des pratiques journalistiques actuelles (course à l’audimat, matraquage en boucle d’« émotions » mises en scène, entorses au Code du travail et plus spécifiquement à la convention collective des journalistes, dérives déontologiques, etc.) ainsi que l’exploitation de l’information, au service non pas du public mais des intérêts du Gouvernement et des élites économiques.
Le SIPM-CNT, par ses actions directes, prouve qu’un syndicalisme de combat est possible. C’est en luttant que l’on obtient gain de cause !