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Nicolas, Nantes
Chronique de les temps qui sont durs !
SIPM, secteur presse territoriale
vendredi 12 décembre 2003
La liberté de la presse dans les collectivités territoriales. Une petite histoire de mesure de rétorsion pour écrits non conformes.
Pour les papiers que j’ai signés depuis un an dans Le Marin et dans Libé sur les Chantiers de l’Atlantique, qui n’ont pas plu au directeur de la communication de la mairie de St-Nazaire, je viens de me voir congédier d’un petit boulot alimentaire (une bande dessinée mensuelle, 10 fois pas an, payée 380 euros chaque, et qui n’a jamais posé de problème auparavant) effectué depuis des années en complément de mes piges.
Le dir com ( ancien du PSU devenu chevènementiste comme son maire) dit ne plus vouloir comme collaborateur dans le journal quelqu’un qui signe des articles aussi mal venus.
Motifs expliqués au téléphone.
– Mes articles lui ont déplu, et des gens ont été "fortement choqués" (sic). Exemple : avoir parlé de "racket" dans un papier récent sur la course contre la montre pour bâtir le paquebot Queen Mary 2. Le racket concerne les 600 euros exigés aux salariés Roumains de Klas Impex pour avoir le droit de travailler à St-Nazaire.
– Ces mauvais articles "généralisent et donnent une trop mauvaise image de St-Nazaire" selon le dir com. Le même discours qu’Alstom marine, en version municipale. Les grèves des salariés étrangers des sous-traitants au premier semestre 2003, puis l’accident de la passerelle ont perturbé la politique de "communication" de la ville, qui voudrait que St-Nazaire ne soit plus présentée comme ville rouge de prolos faisant de la métallurgie (sale, obsolète, vieillot, tout ça) , mais comme une ville qui bâtit du rêve, des unités de prestige pour la croisière… Le chargé de com des Chantiers de l’Atlantique (Alstom marine) apprend au même moment au rédac chef du Marin que je suis persona non grata aux Chantiers. Tout se tient.
– Toujours selon le dir com de la Mairie, mes articles sur l’accident de la passerelle seraient pleins de "conclusions hâtives". Il n’a pas répondu quand je lui ai demandé s’il était flic, juge, membre du CHSCT ou détenteur d’infos confidentielles pour affirmer que ce qu’il appelle mes "conclusions" seraient "hâtives".
– Pire : j’aurais manqué à mon "devoir de réserve" en temps qu’employé par son journal municipal. De plus, "que j’intervienne dans le magazine municipal n’aurait eu aucun avantage" pour eux. Avantage ? Je fais préciser : Il veut dire qu’il n’y a pas eu plus de bon papiers sur St Nazaire de ma part pour autant.
En gros, ça s’appelle un défaut de retour sur investissement... Ou alors un bug dans la fonction "acheter des journalistes".
Cette petite histoire met en lumière la fragilité des pigistes, obligés de recourir à des travaux annexes pour faire bouillir la marmite à côté des piges, et qui s’exposent ainsi à des "mises en laisse" pour raisons économiques, avec à la clé, soit le clash, soit l’autocensure et la soumission d’écrits mis en veilleuse pour ne pas choquer les pouvoirs, employeurs et donneur d’ordres
Cela met aussi en lumière aussi l’étroitesse d’esprit d’une politique de communication qui veut faire oublier à tout prix que St-Nazaire est une ville ouvrière où des prolos en bleus font de la métallurgie. Et ce dans un cadre d’entreprises libérales tenues à des acrobaties entre délais, qualité et coûts salariaux, voire sécurité. Ce qui n’est que la plus plate réalité, rien à voir avec de la com... Les grèves du premier semestre des ouvriers étrangers de la sous-traitance dans la construction navale, et peut être bien l’accident de la passerelle, contredisent méchamment les bonnes images de St Nazaire berceau des rêves de croisière.
Et dire qu’on nous reproche souvent d’avoir une vision servile, obsolète paraît-il, de la communication des villes...