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Chômage : les sanctions
jeudi 19 janvier 2006
Les sanctions ont été considérablement enrichies depuis cet été, contraignant les précaires et chômeurs à démontrer sans cesse leur bonne foi. Tous savoir sur les sanctions, vos droits.
Dans vos relations avec les organismes gérant l’assurance chômage, il y a des règles à toujours respecter pour défendre vos droits :
– conserver des copies de tous les documents reçus ou transmis (envoyez de préférence vos courriers importants en recommandé avec accusé de réception) ;
– conserver des traces de vos démarches.
[Sommaire général Assédic, Unédic, le chômage de A à Z]
Sommaire de l’article
1) La loi et les décrets
2) Les obligations du chômeur
– Recherche active d’un emploi
– Accepter les formations et emplois proposés
– Se rendre aux convocations
– Déclarer sa situation
3) Les sanctions
– Trois motifs de sanction
– Trois types de sanction
4) Se défendre
– Contestation de sanction
– La lutte
1) La loi et les décrets
Les textes de la loi, du décret et de la circulaire sont téléchargeables dans « Les précaires harcelés »
La loi sur la cohésion sociale (!) de janvier 2005 introduit dans l’article L311-5 du Code du travail, ou durcit, plusieurs obligations pour les bénéficiaires de l’allocation chômage :
- prouver des « actes positifs et répétés en vue de retrouver un emploi » ;
- accepter une proposition de formation ou de contrat d’apprentissage et accepter un emploi correspondant à leur formation (donc accepter une réorientation professionnelle) ;
- accepter la « mobilité géographique » ;
- se rendre aux convocations de l’ANPE, de l’AFPA, des Assedic, ou des bureaux de placement privés sous-traitant de l’ANPE.
Cette loi introduit par ailleurs dans l’article L351-17 du Code du travail la notion d’échelles de sanction. L’article L351-18 en précise les modalités d’application :
- réduction, suspension ou suppression du revenu :
- contrôle des chômeurs réalisé par l’ANPE, les Assedic, la DDTE (service de contrôle de la recherche d’emploi - SCRE) ;
- la décision appartient à l’ANPE (R311-3-5, radiation) ou au préfet (suspension) ;
- possibilité d’une suspension conservatoire sous réserve de confirmation dans les deux mois par le préfet.
Les modalités d’application de cette loi ont été fixées par décret du 2 août 2005. L’article R311-3-4 transcrit l’obligation d’« actes positifs et répétés », l’article R311-3-5 énumère les motifs de sanction, l’article R351-28 détaille les sanctions applicables, l’article R311-3-8 donne la durée maximale des radiations.
Il y a donc deux très importantes régressions :
- l’échelle de sanction, qui va encourager les organismes à multiplier les « petites sanctions » pour des motifs fallacieux, qui mettront le couteau sous la gorge des précaires et chômeurs ;
- l’obligation d’accepter une réorientation professionnelle, en pratique de travailler dans les pires secteurs pour des salaires de misère et dans des conditions déplorables.
Ainsi, l’assurance sociale contre le chômage n’est plus une entrave au patronat pour imposer son diktat, mais au contraire tend à obliger les travailleurs à accepter les pires conditions.
2) Les obligations du chômeur
– Recherche active d’un emploi
Il est important de conserver des traces de toutes les démarches que vous effectuez, même si cela paraît stupide
- conserver les petites annonces, les numéros de téléphone des employeurs sollicités ;
- démarches sur Internet : impression des relevés, des méls envoyés ou reçus ;
- passer à l’ANPE, se renseigner sur les services proposés, garder les traces d’entretiens avec des agents, de mises en relation...
- preuves d’inscription dans les agences intérim
- conserver les courriers des employeurs en retour de CV refusés.
- si vous sollicitez directement des employeurs, préparez des petites fiches qu’ils n’auront qu’à tamponner...
– Accepter les formations et emplois proposés
Désormais, le refus d’un emploi s’apprécie également au regard des formations faites depuis que vous êtes au chômage, et de l’ancienneté de votre chômage.
Un scénario catastrophe, mais légalement envisageable : vous étiez maquettiste, vous vous êtes fait licencier, depuis quelques mois vous n’avez pas trouvé de travail ou juste quelques piges isolées. On vous propose une formation de serveur : vous ne pouvez pas refuser sous peine d’être radié, de plus c’est un secteur prioritaire dans votre bassin d’emploi. La formation finie, on vous propose un boulot de serveur. Le boulot est rémunéré au smic, donc normalement par rapport aux salaires de la profession. Vous expliquez que votre salaire antérieur était supérieur, mais comme vous êtes au chômage depuis six mois, vos prétentions doivent baisser. Petit détail, vous devrez déménager, l’offre d’emploi est à Mantes-la-Ville. Pas de panique, vous avez une aide à la mobilité... Et encore, vous aurez de la chance de ne pas vous retrouver en CNE (période d’essai de deux ans).
Les parades :
- expliquer sereinement les particularités de sa profession ;
- trouver des arguments dans sa situation personnelle ;
- lutter. Si vous êtes syndiqué, voyez avec votre syndicat en cas de problème, pour envisager une pression un peu plus pêchue. Une visite syndicale ou une occupation d’Assedic permet souvent de débloquer un dossier, quand les voies de la raison ont échoué. Si vous n’êtes pas syndiqué, c’est un tort ! La solidarité ne s’exerce pas seulement le jour où on en a besoin... Essayez cependant de contacter un syndicat ou une association de chômeur.
A ne pas oublier ! Ou alors, avec la preuve de ce que vous avancez (médecin ou autre). Et surtout ne pas faire l’autruche, la situation sera pire lorsque vous ressortirez la tête !
L’Assédic, peut vous envoyer un questionnaire. Si elle le juge peu convaincant, elle le fait suivre au SCRE et peut suspendre vos allocations pour deux mois maximum. Le SCRE pourra ensuite vous convoquer.
La déclaration inexacte ou mensongère constitue la faute la plus durement sanctionnée. N’oubliez pas de déclarer chaque mois toutes les périodes travaillées, même les plus courtes, même si vous pensez que cela ne changera rien à votre indemnité.
3) Les sanctions
– Trois motifs de sanction sont déterminés :
Motif 1
- insuffisance d’actes positifs et répétés de recherche d’emploi ;
- refus d’emploi (quel que soit le contrat, même les contrats aidés et contrats d’apprentissage...), refus de formation.
Motif 2 : absence à une convocation
Motif 3 : fraude, déclaration mensongère
Premier type : la radiation, faite par l’ANPE.
- interdiction d’inscription pour une période donnée ;
- interruption des droits (mais pas suppression : reportés en fin de période concernant l’ARE) (de 15 jours à 12 mois selon le motif, voir tableau en pdf « Les Sanctions en détail ») ;
- c’est l’allocataire qui doit procéder à sa réinscription à l’issue de la période de radiation ;
- après la radiation, l’ANPE doit en avertir le préfet, ce qui est susceptible d’entraîner une réduction ou suppression des droits.
Deuxième type : la réduction ou suppression de l’allocation (« exclusion »), faite par le préfet, peut être déléguée à la DDTEFP (SCRE).
- jeu sur le taux de réduction et la durée de la sanction (de 20% à 100%, de 2 mois à définitive, selon le motif, voir « Les sanctions en détail ») ;
- contrairement à la radiation par l’ANPE, les droits supprimés ou réduits sont définitivement perdus ;
- auto-saisine du DDTEFP, signalement par l’Assedic ou signalement par l’ANPE.
Troisième type : la suspension de l’allocation, par l’Assédic
- uniquement pour motif d’absence à une convocation (sauf médicale) ou de déclaration inexacte ;
- réduction ou suspension du versement pour deux mois maximum (sans accord du préfet)
- concerne uniquement l’ARE (l’indemnité au titre de l’assurance chômage, et non les autres allocations que l’Assédic verse mais qui ne sont pas financées par l’Unédic mais par l’Etat, comme l’ASS).
les allocations non versées au titre de la suspension par l’Assédic sont au mieux reportées en fin de droit, mais non régularisées, même si le préfet infirme la mesure conservatoire.
4) Se défendre
Vous avez le droit de consulter votre dossier ANPE à la DDTE (direction départementale du travail et de l’emploi).
La sanction
- doit être notifiée par lettre recommandée (c’est rarement le cas) ;
- doit être motivée.
– Contestation de radiation ou de suppression (exclusion) des droits
Radiation par l’ANPE (R311-3-9) :
- Observations. L’ANPE envoi un « avertissement avant radiation », demandant une justification du fait reproché, par courrier ou directement à l’agence.
- Recours gracieux (voir le doc en pdf joint « Modèle de lettre pour recours gracieux »). La décision de radiation, si elle devient effective malgré les explications fournies par l’allocataire, doit être motivée et en préciser la durée. Pour la contester, il faut faire un recours préalable devant le délégué départemental de l’ANPE. Joignez à votre demande des copies des justificatifs et précisez que vous souhaitez être informés de la date de la réunion de recours gracieux pour y être présent. Le directeur délégué a désormais tous les pouvoirs. Il a le pouvoir de transmettre ou non le dossier à la commission, c’est pourquoi il faut l’argumenter soigneusement, avec pièces justificatives. Il s’agit de la même commission de recours gracieux (CDRG, R351-34) que celle prévue en cas de suppression des allocations (voir ci-dessous), avec le délégué départemental de l’ANPE qui siège en plus. Ce dernier a aussi le pouvoir de suivre ou non l’avis de la commission, qui n’est plus que consultative.
- Recours contentieux. C’est la procédure au tribunal administratif. A l’appui de cette procédure, il doit y avoir des arguments tirés de la violation du droit. Le non-respect par les organismes gérant l’assurance chômage de certaines obligations légales (délai, motivation des sanctions, envoi en lettre recommandée...) peut être utilisé. Renseignez-vous avant d’entamer une telle procédure, qui doit obéir pour être recevable à des règles précises. C’est un recours qui se fait par écrit et est gratuit.
Suppression des allocations par le préfet (exclusion)
- Observations. La lettre du préfet doit être motivée, indiquer la sanction envisagée, et préciser que l’allocataire bénéficie d’un délai de 10 jours pour répondre par écrit ou pour demander à être entendu (accompagné d’une personne de son choix).
- Commission tripartite. Si la sanction envisagée est supérieur à deux mois, la lettre doit préciser qu’il est possible de demander la saisine d’une commission tripartite : ANPE, Assedic, Etat (que des gens qui vous veulent du bien...). Celle-ci donne un avis, qui n’est pas contraignant.
- Recours gracieux (R351-34). La décision du préfet doit préciser les faits et les textes juridiques enfreints justifiant la sanction. Et annoncer la possibilité d’un recours gracieux, auprès de la commission. Joignez à votre demande des copies des justificatifs et précisez que vous souhaitez être informés de la date de la réunion de recours gracieux pour y être présent. Le préfet n’est plus obligé de transmettre la demande, c’est pourquoi il faut l’argumenter soigneusement. La commission départementale de recours gracieux (CDRG) est composée de représentants de la DDTE, des syndicats de patrons et de salariés. Si elle s’en saisit, il est préférable de se présenter en personne à la commission, assisté d’une personne de votre choix, avec tous les justificatifs et preuves utiles à votre dossier. Elle n’est que consultative. Elle doit être motivée et préciser la possibilité d’un recours contentieux.
- Recours hiérarchique. Vous n’êtes pas informé de cette possibilité de recours, au cas où le recours contentieux ait échoué (sanction maintenue ou, pire, aggravée). Elle existe pourtant bel et bien. Il faut envoyer une lettre au préfet, accompagnée des justificatifs et preuves.
- Recours contentieux. Mêmes conditions que pour la radiation par l’ANPE.
Les délais doivent être respectés, sinon la procédure peut être cassée. (voir la document joint en pdf : « Délais des procédures de sanctions »)
Selon la direction générale à l’emploi et à la formation professionnelle, seule une décision prise sur recours gracieux est susceptible d’être déférée au juge administratif. Mais si la commission sur recours gracieux refuse de se saisir du dossier ? Si vous pouvez justifier que la commission de recours gracieux a refusé d’examiner votre dossier, cela ne devrait pas poser de problème.
Vous pouvez écrire à la commission paritaire des Assedic en cas d’exclusion, il est possible d’obtenir l’étalement voire la suppression des sommes à rembourser en cas de trop perçu (exclusion rétroactive...).
A retenir :
- les recours ne sont pas suspensifs
- toujours fournir des documents à l’appui de vos dires
- allez chercher rapidement vos recommandés, le délai court à partir de la première présentation à votre domicile et non à partir du moment où vous retirez la lettre.
- relancer l’instance concernée si vous n’avez pas de nouvelles dans un délai raisonnable (Voir le pdf ci-contre « Délais des procédures de sanction ») (La CDRG se réunit tous les mois, si vous n’avez pas de nouvelles un mois après votre audition, téléphonez au directeur départemental du travail et de l’emploi).
Vous êtes syndiqué ?
Tout va bien ! Enfin, c’est aussi selon le syndicat... Si vous avez choisi un syndicat de combat (secteur autre que presse-médias-édition), vous savez que vous pouvez compter sur la solidarité des autres syndiqués, comme eux peuvent compter sur la vôtre. Contactez votre syndicat afin d’envisager son implication dans une action qui pourra être graduée. Cela pourra commencer par une lettre courtoise et argumentée du syndicat. Cela pourra s’achever par une action vers l’agence.
Ce type d’action permet souvent de débloquer rapidement des situations apparemment sans issue. En plus des camarades du syndicat qui pourront y participer, vous pourrez y convier des amis, des collègues... Un tract sera distribué aux agents et aux usagers, afin d’expliquer le motif de l’action. Ces derniers auront probablement aussi des soucis avec les Assédic, ce qui permettra des échanges utiles.
Vous n’êtes pas syndiqué ?
Ce n’est pas trop tard. Si pour vous le syndicat ne sert que d’officine de service, allez voir la CFDT. Si le syndicat c’est le lieu d’exercice de la solidarité entre travailleurs, allez voir un syndicat de combat (secteur autre que presse-médias-édition).
Vous pouvez aussi contacter une organisation de chômeurs, comme AC, l’Apeis ou le MNCP. Ces associations se sont créées en raison des carences de nombreux syndicats, qui ne se préoccupent guère des chômeurs et précaires. Elles peuvent faire un bon travail avec les chômeurs, mais ont une limite évidente : elles séparent de fait chômeurs et salariés, alors qu’ils ont des intérêts strictement semblables face à ceux du patronat, et que d’ailleurs la plupart des chômeurs sont aussi des salariés précaires. Cette séparation (dont bien évidemment les organisations de chômeurs ne sont pas responsables !) permet d’alimenter le discours sur les « chômeurs fainéants » qui accompagne la liquidation des droits de tous.