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SIPM-CNT

Chômage : historique de l’UNEDIC

Comité d’action chômeurs - CAC-CNT

lundi 30 août 2004

Depuis 1958, heurs et malheurs de la caisse d’assurance solidaire chômage.

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[Sommaire général : ASSEDIC, UNEDIC, le chômage de A à Z]

Voir également :
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Historique de la Sécurité sociale depuis 1945 dans le Ca presse spécial Répartition
- Historique de la protection sociale, conférence de Jean Magniadas à l'Institut d'histoire sociale (IHS-CGT)

La revendication d'un régime par répartition basé sur la solidarité des salariés entre eux, sur l'assurance de bénéficier de moyens de subsistances, naît avant tout des revendications ouvrières, et en particulier de la CGT syndicaliste révolutionnaire des origines, dont se réclame la CNT, qui, en 1910, opposait déjà les retraites par répartition aux retraites par capitalisation que le patronat était prêt à concéder.

1945 : Création de la sécurité sociale. Initialement, elle était censée regrouper solidairement tous les risques. Mais le chômage est laissé de côté. La Sécu regroupe donc la maladie (CPAM), la retraite (CRAM) et la famille (CAF). L'URSSAF est chargée de recueillir les cotisations.

1958 : Création de l'UNEDIC (Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce), fédération des Assedic dispersée sur le territoire. Statut d'association loi 1901 (statut privé).
D'entrée, cette création marque un net recul dans le rapport de force entre travailleurs et patronat.
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L'UNEDIC n'est pas intégrée dans la Sécurité sociale : volonté patronale de diviser les risques pour fragiliser les caisses en empêchant la compensation entre excédentaires et déficitaires.
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Gestion " paritaire ", c'est-à-dire à parts égales par les organisations de patrons et de salariés. Pourquoi les patrons gèrent-ils notre argent, provenant de notre travail et versé aux travailleurs inactifs ? ? ?

1967 : Les caisses de la Sécurité sociale sont à leur tour séparées par risque. Les représentants ne sont plus élus mais désignés par les syndicats. La gestion, qui était faite majoritairement par les salariés devient " paritaire ".
• La bureaucratisation et la logique de concurrence entre appareils syndicaux ont constitué un facteur déterminant de perte de contrôle sur les caisses au bénéfice du patronat.
• L'absence de contrôle de la gestion des caisses permet également l'alimentation (indirecte et illégale) des caisses des syndicats gestionnaires, de salariés et patronaux, ce qui constitue un moyen de pression sur eux.

1984 : "Assurance" VS "solidarité" Première remise en cause fondamentale du régime par répartition : division entre un régime dit " d'assurance ", correspondant en fait au régime par répartition basé sur la solidarité entre actifs et inactifs, et un régime dit " de solidarité ", correspondant en fait à une réapparition de la charité publique gérée et financée par l'Etat-dame patronesse.

1988 : RMI. Dans la logique de substitution de la charité à la répartition solidaire. Réponse au développement du chômage de masse par la volonté de démanteler... la protection des chômeurs. Déjà, les patrons estiment que les cotisations sociales sont une " charge " insupportable. Non seulement le RMI n'est plus payé par eux mais par l'impôt (donc en grande partie par les travailleurs eux-mêmes), mais de surcroît ce revenu est trop faible pour encourager les chômeurs à refuser des travaux trop pénibles ou mal payés. Et le chômeur, au lieu de bénéficier d'un droit basé sur la solidarité, devient dépendant d'une obole dans la logique de l'Etat-dame patronesse.
• Certains noyaux militants iront jusqu'à s'égarer à " revendiquer " un " revenu garanti universel " (RGU) basé sur la charité publique, rejoignant les ténors ultralibéraux comme Alain Madelin ou Christine Boutin, dont l'objectif premier est de faire disparaître le système par répartition.

1992-1993 : Dégressivité Dégressivité très fortement accentuée avec la mise en place de l'AUD (allocation unique dégressive) ; institution de " journées de carence " ; allongement des durées de cotisation pour ouvrir des droits ; " primo-demandeurs " de 16 à 25 ans exclus de l'indemnisation ; raccourcissement de la durée d'indemnisation ; exonération de cotisations patronales jusqu'à 1,3 SMIC (encouragement aux bas salaires). C'est le début du développement massif des " exonérations de charges ".
On peut remarquer :
• les exonérations sont toujours des cotisations patronales, jamais des cotisations salariales, ce qui tendrait à signifier que seules les entreprises ont des difficultés économiques ;
• les exonérations de cotisations sociales censées permettre de développer l'emploi ont montré depuis 20 ans leur redoutable efficacité pour... ruiner les caisses (rien qu'en 2000 et 2001 et rien que pour le financement des 35 heures, selon un rapport du Sénat , 30 milliards de francs ont été ponctionné à la Sécurité sociale : 1/3 du déficit actuel qu'on nous présente comme abyssal !) ;
• les exonérations de cotisations signifient concrètement une baisse de revenu des caisses : il est paradoxal qu'elles aient lieu alors même qu'elles sont le plus utiles en raison de l'augmentation du chômage ;
• les prétendues " charges insupportable " portant sur les entreprises sont à mettre en parallèle avec l'évolution du partage de la valeur ajoutée (les richesses produites... par les travailleurs !) : les salariés en récupéraient 68 % il y a 20 ans, 58 % aujourd'hui.

1996 : Fonds sociaux Redéfinition des " fonds sociaux " de l'UNEDIC, jusque-là employés à des aides d'urgence (logement, électricité, etc.) : ils augmentent de manière importante (1,2 milliard en 1996 à 1,6 milliard en 1997) mais sont désormais dévolus à la " formation " et au " reclassement ".
• U
n des moyens de retourner au patronat une partie des cotisations sociales.

2000 : PARE. Mise en place du Pare. Suppression des AFR (allocation formation reclassement), c'est-à-dire des formations longues et qualifiantes, au profit de formations courtes non diplômantes ; indemnités versées sous conditions (présence aux entretiens, preuves des recherches d'emplois...) ; Les Assedic acquièrent un droit de regard sur l'ANPE, transformée en simple prestataire de service (privatisation en perspective) ; 83 milliards de francs de recettes confisqués aux chômeurs : 43 en baisse de cotisations, 30 milliards de cadeau à l'Etat pour le convaincre d'accepter cette convention antisociale, 10 planqués dans un " fonds de réserve ".
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Formation courtes subventionnées par les Assedic (nos cotisations) : formations généralement bidons dispensées par des organismes spécialisés privés ; " formations " adaptées aux besoins particuliers d'entreprises, fournissant de la main d'oeuvre presque gratuite au patronat. Dans les deux cas, nos cotisations retournent au patronat.
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L'indemnité versée au chômeur est individualisée et transformée en faveur, alors qu'il s'agit d'un droit collectif, acquis par l'ensemble des travailleurs grâce à leurs cotisations.

2000 : baisse des cotisations chômage. Elles étaient de 6,18 % (2,21 pour les salariés, 3,97 pour les patrons), elles sont programmées pour descendre progressivement à 5,4 % jusqu'en juin 2002.
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Cela coûte 43,5 milliards de francs sur trois ans, jusqu'en 2003, soit 6,6 milliards d'euros à rapprocher du déficit de 4,2 en 2003 ...

2002 : baisse des cotisations suspendue. la baisse des cotisations sociales doit être interrompue devant la situation catastrophique qu'elle a engendrée : bénéficiaires de 1,33 milliard en 2000, la caisse accuse un déficit de 3,69 milliards en 2002. La baisse des cotisations constitue 80 % du déficit.
• Tout va bien ! La voie est libre pour un nouveau plan de " sauvetage " " patronné " par le MEDEF et la CFDT : le protocole d'accord de décembre 2002 (ci-dessous).

Septembre 2002 : surcotisations pour les annexes 8 et 10. Les professions du spectacle (annexes 8 et 10) voient leur cotisation doublée : 11,6 % de cotisations (au lieu de 5,8 %), stabilisé en 2003 à 10,8 %.
• C'est le principe d'égalité qui est mis en cause, et encore une fois la volonté de casser l'unité du système pour faciliter son démantèlement.

Décembre 2002 : hausse des cotisations principalement salariales. Cotisations salariales et patronales (voir les autres mesures du protocole d'accord de décembre 2002 ci-dessous), les cotisations chômages remontent de 5,8 à 6,4 % :
- pour les salariés augmentation de 14,3% des cotisations salariales (de 2,1 à 2,4 % du salaire) ;
- pour les patrons augmentation seulement de 8,1 % (de 3,7 à 4 % du salaire).
• Bilan du yoyo des cotisations entre 2000 et 2002 :
- avant 2000, les cotisations salariales chômage représentaient 35,76 % du total ;
- après 2002, elles représentent 37,5 %;
- entre temps, le régime excédentaire est devenu déficitaire.
Lors de la création de l'UNEDIC, les cotisations patronales étaient 4 fois supérieures aux cotisations salariales ; aujourd'hui, elles ne représentent plus que 1,7 fois celles des salariés.

Décembre 2002 : Protocole d'accord du 31 décembre 2002. Il permet de passer d'environ 60 % à plus de 2/3 (estimation) de chômeurs sans indemnisation : la CFDT " sauve " l'UNEDIC en supprimant les allocataires, c'est audacieux. Les premiers touchés sont les jeunes (augmentation de la durée de cotisation pour l'ouverture des droits), les vieux (baisse des droits des chômeurs de plus de 50 ans) et les précaires (suppression des filières d'indemnisation intermédiaires qui permettait d'ajuster l'ouverture des droits à des situations diverses). L'ensemble des chômeurs également, avec l'augmentation de la cotisation retraite et la diminution importante de la durée maximale d'indemnisation. En revanche, la CGC obtient la suppression de la surcontribution sur les rémunérations élevées...
Par ailleurs, cet accord prévoit une application rétroactive : les chômeurs qui avaient des droits ouverts avant l'accord seront " recalculés ", ce qui touche environ 800 000 d'entre eux, qui perdent de 7 à 24 mois pour la plupart sans avoir été prévenus, se retrouvant du jour au lendemain sans rien.
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Avant 1983, 3 mois de cotisations ouvraient des droits pour 3 ans. Aujourd'hui, il en faut 6 pour 7 mois d'indemnités.

2003 : le RMA (Revenu minimum d'activité). Il est la continuité logique du RMI. Le chômeur est un fainéant, il vit de la charité publique, en échange il doit bosser. Si le chômage est un droit acquis sur la solidarité des travailleurs entre eux, le RMI dépend du bon vouloir de l'Etat-patronat.
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Suppression de certaines cotisations sociales pour le RMAste, pour la première fois depuis 1945 des salariés sortent des acquis liés à la sécurité sociale ;
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Les patrons font travailler des salariés quasiment gratuitement, financés par les impôts ;
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Le RMAste est soumis à un " service de travail obligatoire ", sous le contrôle social du patron !
L'objectif est atteint : le retour à avant la sécurité sociale et l'UNEDIC.

2004 : La victoire des recalculés est une bonne chose pour les 800 000 chômeurs concernés. C'est une victoire juridique face aux gestionnaires des caisses, MEDEF et CFDT (+ CGC et CFTC) dont l'arrogance et le mépris pour les travailleurs est effarant. Cela permet au moins de rappeler qu'eux aussi doivent respecter la loi, ce qui est loin d'être le cas. Mais :
• cela ne change rien sur le fond puisque la convention a bien été validée ;
• cela laisse rêveur sur la capacité de mobilisation pour défendre la caisse, et démontre de manière flagrante que le recours juridique, s'il peut être un outil, ne suffit pas : de nombreux tribunaux ont débouté les chômeurs ; ceux qui leur ont donné raison n'ont rien changé sur le fond ; la mobilisation n'a concerné qu'un noyau militant sans capacité de lutte revendicatrice.

2005 : La Loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 aboutit avec le décret du 2 août et la cicrulaire du 5 septembre relative à la réforme du suivi de la recherche d'emploi :
• finalisation de l'individualisation de l'indemnisation prévue dans le Pare en 2000 ;
• refus d'emploi considéré comme une faute sanctionnable, quel que soit le type de contrat, le salaire... A partir de quelques mois de chômage, le chômeur doit accepter n'importe quoi ;
• le chômeur est également sanctionnable pour "insuffisance d'actes positifs et répétés de recherche d'emploi"...
• échelle de sanctions: suspensions de l'indemnisation de 15 jours à 12 mois; diminution de l'indemnité de 20% à la suppression totale ;
• pouvoir de suspension de l'allocation à titre conservatoire par l'Assedic.
Le chômeur est coupable d'être au chômage, il doit accepter n'importe quel boulot de merde. Ils sont mis en concurrence avec les actifs qui devront baisser leurs prétentions sous peine d'être remplacés par des travailleurs moins exigeants.

2005 : protocole d'accord Unedic du 22 décembre 2005.
• création d'une filière A+ entre les A et B : 12 mois d'indemnisation pour 12 mois de travail dans les 20 derniers mois. 100 000 licenciés qui pouvaient prétendre à 23 mois passent à 12 mois d'indemnisation. Pour les 23 mois il faudra désormais avoir travaillé 16 mois au lieu de 14 durant les 24 derniers mois.
• durcissement de l'indemnisation des saisonniers et des travailleurs précaires recevant un complément des Assedic.
• 125 millions d'euros de cadeau au patronat en abattement s de charges sociales, sans compter les cadeaux aux organismes de formation.
• cotisations patronales augmentées de seulement 0,04%, comme celles des salariés.
Ce sont encore les salariés, les actifs comme les inactifs (précaires et chômeurs) qui supportent les conséquences de ce nouvel accord signé par la CFDT, la CFTC et la CGC...

Bilan :

Les années 80 ont vu l'asphyxie progressive du système par répartition, orchestré par le patronat, soutenu par l'Etat. L'objectif est de démontrer que le système est malade. Les remèdes proposés le tuent à petit feu.
En réalité, les faits marquants sont :
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Intervention injustifiable du patronat dans la gestion d'un régime dont il est l'adversaire acharné et qui concerne uniquement les travailleurs.
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Très importante baisse relative des cotisations patronales par rapport aux cotisations salariales.
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Diminution progressive de la sphère d'intervention du système par répartition, au profit de la charité publique (ASS, RMI...).