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Maxime Vivas

Cesare Battisti et les médias

écrivain

jeudi 13 mai 2004

Le revirement médiatique autour de l’extradition de Cesare Battisti n’est pas inintéressant. Et n’est pas sans questionner l’"indépendance" affirmée hautement par les médias. Et les techniques de manipulation de l’information.

Fred Vargas, auteur à succès de polars et chercheuse reconnue au CNRS, est une des principales coordinatrices des comités de soutien à Cesare Battisti. Elle a travaillé (le jour, la nuit) à la rédaction d’un livre urgent : « la vérité sur Cesare Battisti. » aux éditions Viviane Hamy, éditrice qui s’est également engagée dans ce combat. Livre urgent, car il est possible que Battisti quitte la France ce mois-ci, menotté, pour finir ses jours en prison en Italie.

Le livre, qui sera en librairie dans quelques jours, produit de nombreux documents, officiels, incontestables, authentifiés et… effrayants.

Rappelons que Battisti, militant dans les années 70 d’un éphémère mouvement armé prolétarien pour le communisme a été arrêté en Italie, s’est évadé, a vécu pacifiquement au Mexique, est venu en France en 1991, protégé par la « Doctrine Mitterrand » confirmée par un jugement à son arrivée sur notre sol et encore par le Premier ministre Lionel Jospin : il ne sera pas extradé.

Le combat de ses amis pour s’opposer à la nouvelle menace d’extradition a été soutenu très rapidement par 20 000 signatures, par une partie de la presse française, par des élus.

Un revirement s’est manifesté ces dernières semaines, l’opinion étant troublée par une avalanche d’information fausses, tronquées, à sens unique. Ainsi, Le Monde qui soutint Battisti s’est mis (avec Le Figaro, Marianne, etc.) à ouvrir généreusement ses colonnes à ceux qui le traitent d’impitoyable assassin. Pis, le Monde s’excuse d’avoir subi « l’influence des intellectuels parisiens. »

La formidable campagne d’intox puise dans les informations de politiciens italiens soucieux de se refaire une virginité légaliste (à « droiche et à gaute »), des mouvements fascistes, des juges investis dans la répression (et cléments envers les factieux qui firent sauter des bombes dans les lieux publics).

Quelques exemples de mensonges : la presse italienne et française affirme que, lors d’une action armée, Battisti a tiré sur un enfant de 13 ans, depuis paraplégique (les télés italiennes l’exhibent). Or, le jour du drame, il est prouvé que Battisti n’était pas là. Il est prouvé que la balle a été accidentellement tirée par le père de la victime. La justice italienne ne le conteste pas. La presse ment. Un des partisans de l’extradition le plus médiatisé en Italie, celui qui clame le plus fort qu’elle est justifiée, celui dont nos journaux reprennent les informations, se nomme Armando Spataro. On oublie de nous dire qu’il était substitut du procureur représentant l’accusation contre Battisti. Ce dernier a été condamné, non pas sur preuves, témoignages directs, mais sur celui d’un repenti (quiconque dénonce quelqu’un bénéficie de clémence).

Le livre de Fred Vargas raconte par le détail et sur des pages entières les tortures dont furent victimes les « repentis » : tabassages, électricité sur la verge, coups dans les testicules, brûlures de cigarettes, simulacres de liquidation dans la campagne isolée, gavage à l’eau salée, blessures remplies de sel. Pour les femmes, menaces de viol et de sodomie, introduction de liquide douloureux dans le vagin, torsion des seins, menaces sur les enfants.

Si Amnesty International s’est exprimé maintes fois contre la violation des droits humains dans ces circonstances, les adversaires de Battisti taisent ses monstruosités.

La propagande berlusconienne travaille l’opinion par des mensonges :
 Mitterrand accorda l’asile aux seuls exilés « qui n’ont pas de sang sur les mains » ? Faux. Sa déclaration solennelle devant la Ligue des Droits de l’Homme ne reprend cette nuance initiale.
 Les témoins oculaires abondent contre Battisti ? Faux.
 Il a eu droit à un procès équitable dans le respect de la Constitution et des droits de la défense Faux.
 Il est prouvé qu’il a tué ? Faux (et il a toujours nié).

Pour Fred Vargas et pour son éditrice, il est évident que cette affaire, « démesurée », « anormale » obéit à un objectif de « masquage », procédé « d’évitement » qui permet de détourner l’attention de réalités embarrassantes ou indicibles. Et Viviane Hamy réédite concomitamment un ouvrage italien écrit en 1777 : « Observations sur la torture », histoire de deux Milanais poursuivis pour avoir oint les murs de substances pestifères, deux boucs émissaires pour masquer une grave crise politique qui affectait Milan.

Bref, « l’extradition de Cesare Battisti constituerait un affront à l’honneur de notre pays et de ses citoyens et une faute gravissime au regard de l’Histoire. »