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Après avoir spolié ses salariés, WKF tape leurs syndicats au portefeuille
vendredi 31 mai 2019
Les dirigeants de Wolters Kluwer France (WKF) ont de la suite dans les idées. Condamné en appel pour une opération « frauduleuse » lui ayant permis de priver ses salariés français de toute participation aux bénéfices depuis 2008, mais ‘’absous‘’ par la Cour de cassation dans des conditions suspectes, le groupe néerlandais d’édition et d’information professionnelle a entrepris de faire payer aux syndicats engagés dans la procédure le montant exorbitant d’une expertise qui avait justement pour objectif de reconstituer le montant de cette réserve de participation. Une façon parfaitement scandaleuse de taper au portefeuille les organisations syndicales ayant osé dénoncer les pratiques de la société.
Visés par une « exécution forcée » destinée à leur imputer une somme de 80 000 euros — ce qu’aucune juridiction n’a validé —, les syndicats SNJ, CGT, CFDT et CNT dénoncent l’acharnement juridique et financier de WKF. Et exigent l’arrêt de cette procédure. Ils ont engagé les démarches juridiques nécessaires pour y mettre un terme.
Par ailleurs, les syndicats s’interrogent toujours sur les ressorts de la décision de la Cour de cassation de 2018. Cette décision sans renvoi, qui a privé les salariés et leurs syndicats de tout recours sur le fond, a conduit à une saisine du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) à l’encontre de trois des magistrats ayant statué, qui étaient rémunérés… par WKF. Ce combat n’est pas à armes égales.
Résumé des épisodes précédents…
Chapitre I : fusion et endettement
En 2007, à la faveur de la fusion de huit entreprises du groupe (Éditions Lamy, Groupe Liaisons, AFL, etc.) qui allait donner naissance à la filiale Wolters Kluwer France, la société met en place un mécanisme d’emprunt à la maison-mère qui aura pour effet d’endetter artificiellement et durablement la structure nouvellement créée. Ce montage financier, baptisé « opération Cosmos », permettra au groupe néerlandais d’échapper à l’impôt en France, tout en privant les salariés français de toute participation aux bénéfices.
Chapitre II : une « manœuvre frauduleuse »
Le 2 février 2016, après bientôt dix ans d’une procédure judiciaire portée par les syndicats SNJ, CGT, CFDT et CNT, et une multitude de recours sur la procédure déposés par WKF pour tenter d’éviter ce jugement, la cour d’appel de Versailles reconnaît enfin que « l’opération de restructuration Cosmos est constitutive d’une manœuvre frauduleuse, et à tout le moins d’un abus de droit ». La Justice ordonne à WKF de recalculer la réserve spéciale de participation en neutralisant les effets du montage financier et de l’emprunt contracté lors de la fusion (445 millions d’euros et surtout des taux d’intérêts très élevés), pour rembourser les salariés spoliés. Un expert judiciaire est mandaté pour en évaluer le montant.
Chapitre III : le jugement cassé sans renvoi
28 février 2018 : saisie par WFK, la Cour de cassation fait le choix de casser la décision de la cour d’appel, sans renvoyer l’affaire sur le fond ni démentir l’existence d’une fraude. Déboutés, les salariés et leurs syndicats sont privés de toute nouvelle voie de recours.
Chapitre IV : soupçons de conflit d’intérêts
18 avril 2018 : un peu moins de deux mois après l’arrêt de la Cour de cassation, les salariés de WKF et leurs syndicats découvrent, à la lecture de deux articles du Canard enchaîné et de l’hebdomadaire Alternatives Économiques, que trois des magistrats siégeant dans la formation de six conseillers ayant statué avaient omis de se déporter alors qu’ils étaient rémunérés par cette même société WKF depuis de nombreuses années, pour des activités d’information et de formation payantes. Ces magistrats figuraient au registre du personnel de WKF, sur la liste des bénéficiaires des œuvres sociales du comité d’entreprise, et recevaient même des bulletins de salaire.
Considérant un manquement objectif à l’impartialité, les syndicats de WKF ont saisi le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) le 28 août 2018, afin que soient reconnues, sanctionnées et réparées les violations graves des principes du procès équitable affectant cet arrêt rendu le 28 février 2018 par la chambre sociale de la Cour de cassation. Le 22 janvier 2019, le CSM a décidé de renvoyer l’examen de la plainte contre ses trois hauts magistrats devant son conseil de discipline.
Affaire à suivre.
Communiqué commun des syndicats SNJ, Ugict-CGT, CFDT-SNME et CNT de WKF.