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Section Huma SIPM-CNT
A L’Huma, augmenter les salaires, c’est possible (mais ce n’est pas facile)
dimanche 8 mai 2005
La section CNT Huma est confrontée à une ignorance des droits des salariés. Paradoxal, pour un journal au contenu militant.
Lire le Ça presse n°5 Offensives patronales - ripostes syndicales
L’Humanité n’est plus le journal du PCF. Officiellement, car le recentrage politique et éditorial après la tentative d’ouverture en 1999 en dit long de sa capacité à recycler les apparatchiks et à en faire un journal « aux ordres ». L’Humanité s’est ouvert à des capitaux qui n’ont pas d’odeur, comme Lagardère ou Bouygues. Officieusement car le sujet est sensible, ces actionnaires s’étant regroupé dans une espèce de coquille vide juridique - SHIP, Société Humanité Investissement Pluralisme - pour nous faire passer cette emprise pour du simple mécénat.
Un droit du travail « de gauche » ?
Mais l’Humanité, en jouant de cette schizophrénie, en se dressant comme un martyr du « Grand Capital » et comme le dernier journal de « gôche », en profite pour sous-payer ses salariés et fouler au pied le Code du travail. Avec des méthodes dignes des pires patrons - succession de plans sociaux, officiels pour les plus grosses charrettes, larvés pour les pigistes - tout jouant sur la fibre militante afin que les prétentions revendicatives se perdent en grognements sporadiques, que l’on entend dans les couloirs clairsemés du bâtiment signé Niemeyer.
Et ce, avec la complicité active d’une section SNJ-CGT dont la direction est aux ordres, dont le « patron » n’est autre que l’ancien secrétaire du directeur de l’Huma, ayant aussi œuvré en tant qu’administrateur à la MNEF, en témoigne la commission parlementaire qui l’avait interrogé. Une section qui réalise des scores dignes de l’Albanie de la grande époque. Les vieilles habitudes ont la peau dure et, longtemps, la CGT aura été le seul syndicat en place. Ce n’est plus le cas, la CNT propose depuis plus de 4 ans un syndicalisme « alternatif ». Alternatif ? En fait, réclamer l’application stricte du droit du travail. Ce qu’on appelle « le minimum syndical ».
Et à L’Humanité, il y a du boulot : personne au sein de la rédaction n’est payé au minimum conventionnel. Les pigistes, eux aussi sous-payés, subissent un plan social larvé, la rédaction en chef les oubliant fréquemment, en contradiction totale avec le droit du travail le plus élémentaire (loi Cressard). Et ils n’ont pas le droit de vote au sein du « journal qui défend les travailleurs ». Les instances représentatives (CE, DP, CHSCT) sont convoquées selon les trous dans l’emploi du temps de la direction. Des réunions qui ne servent pas à grand-chose, les décisions étant déjà ficelées d’avance, comme par exemple le lancement de Pif Gadget ou prochainement de L’Humanité hebdo...
Problèmes financiers à géométrie variable
L’Humanité se cache derrière ses difficultés financières. D’abord, les comptes produits chaque année (en retard) échappent à toute rigueur financière et ne sauraient être considérés comme des documents fiables tant par leur contenu que par leur aspect succinct. Ensuite, la direction du journal demande à toutes les catégories de personnel de se serrer la ceinture dans l’attente d’une hypothétique rallonge du côté de l’aide aux journaux à faible ressource publicitaire, tout en multipliant les embauches à l’étage de la direction (les secrétaires de Patrick Le Hyaric étant au bout d’un certain temps parachutés au sein de la rédaction avec option « journalisme » en troisième langue). Enfin, avec quel fric sont payés les suppléments de « prestige », la pub sur les taxis et les antennes de TF1 ? Mystère...
SIPM-CNT Huma : pour le droit des salariés
Voilà pourquoi la section SIPM-CNT a décidé d’attaquer L’Humanité aux prud’hommes. Parce que le journal ne respecte pas les engagements qu’il signe. En effet, avant d’avoir prétendument sa carte à la CGT comme il l’a affirmé au JDD, le directeur de L’Huma émarge au Syndicat de la Presse Parisienne (patronal) et signe donc les minima conventionnels dans la PQN. Et nous avons été réintégrés dans nos droits, enfin payés au minimum conventionnel.
C’est dans le même esprit que nous avons attaqué sur un autre point, L’Humanité refusant d’accorder le droit de vote aux pigistes, écartant des élections professionnelles des journalistes professionnels ayant la carte de presse et collaborant avec ce titre depuis des années. Au prétexte que ceux-ci ne seraient pas assez payés pour être considérés comme des collaborateurs réguliers et des journalistes professionnels ! Le tribunal de Saint-Denis, qui ne traite que 2 affaires de contentieux électoral par an, a hélas avalisé le mode de scrutin censitaire soutenu par le SNJ-CGT, qui n’a même pas eu la décence de défendre ses propres militants. Qui plus est, les plus précieux, car les plus précaires. Et donc les plus fragiles.
Défendre nos droits, syndicalement
Face à ces initiatives et à notre victoire prud’homale, le SNJ-CGT s’est empressé d’effectuer un tir de barrage sur l’air de « la voix de son maître », se refaisant la guerre d’Espagne, voyant dans nos actions la volonté d’ébranler financièrement le journal, et celle de toucher quelques sonnants et trébuchants dividendes. Précisons que cette « section syndicale » compte dans ses rangs toute la rédaction en chef de ce « journal pas comme les autres »...
Parler d’appât du gain des salariés qui osent se battre pour un salaire décent (le MINIMUM conventionnel !), de la part d’un « syndicat », c’est choquant... L’action prud’homale a permis d’obtenir un rattrapage légitime sur les cinq dernières années. Et le SIPM, qui accompagnait ses adhérents dans la procédure, n’a réclamé (et obtenu) qu’un euro symbolique au titre de préjudice subi par l’ensemble de la profession. Le journal devrait pouvoir s’en remettre...
Alors, anticommuniste bête et méchante, la CNT ? En fait d’anticommunisme primaire, nous n’avons fait que réclamer l’application du droit du travail (!). Ni plus ni moins. Car l’attitude de L’Humanité, membre du SPP (Syndicat patronal de la presse parisienne) et « quotidien des travailleurs », pourrait faire « jurisprudence ». En effet, au nom des difficultés financières - tous les journaux en ont - il serait désormais permis, dans ce petit milieu qu’est la presse, de sous-payer les salariés, de jeter impunément les plus précaires, de multiplier les stagiaires et autres travailleurs gratuits !! Le MEDEF en rêve, et c’est L’Huma qui le réalise... Et demain, qui d’autre ?
En guerre avec le SNJ-CGT local, la section Huma du SIPM ? Non, seulement avec sa direction et ses « courroies de transmission ». Rappelons que, lors du procès en représentativité à l’encontre de la section CNT à L’Humanité - un procès que nous avions gagné, il y a deux ans - le SNJ-CGT avait osé affirmer que « la CGT ne reconnaissait pas la CNT comme un syndicat représentatif au niveau national » et que « jamais le SNJ-CGT n’avait travaillé à L’Humanité avec la CNT ». Ce qui était totalement faux. Notons enfin que nous avons de très bonnes relations avec les militants de base du SNJ-CGT. Pour preuve, l’un d’eux, s’occupant des pigistes et précaires, avait fait le déplacement au tribunal à nos côtés. Sans parler du travail quotidien à l’Huma avec ceux que nous pouvons appeler nos camarades.
La CNT, par ses actions et en particulier à L’Humanité, prouve qu’un syndicalisme de combat est possible. Mais que cela n’est pas toujours facile.